Sur le sol et les murs de la mosquée, on aperçoit encore les traces laissées par l’attentat. Les vitres transpercées par les balles. Puis, une montagne de chaussures pêle-mêle, des cartes d’identité, des photos, des effets personnels. Et les tapis de prière tachés de sang.
Rehman, un jeune étudiant en informatique qui, lors des événements, a réussi à trouver refuge derrière une colonne en marbre, relate les incidents de cette journée sanglante : « C’était vendredi, à l’heure de la prière de la mi-journée qui, dans la semaine, rassemble le plus grand nombre de fidèles. Il y avait quelque 2 000 personnes. Trois hommes se sont introduits dans la mosquée, ont lancé des grenades et ouvert le feu sur la foule. L’attaque a fait plus d’une cinquantaine de morts et autant de blessés. S’ils avaient réussi à faire déflagrer toutes les bombes… , soupire-t-il. Je n’ose même pas imaginer le bilan. »
Puis, quelqu’un me présente un tract retrouvé dans un séminaire sunnite, distribué à la grandeur du pays, où l’on peut lire : « Les chiites ne sont pas des musulmans, alors traitons les comme des non-musulmans. » Exemple de la propagande haineuse que distillent certains milieux religieux.
Depuis la seconde moitié des années 1990, les violences communautaires entre sunnites et chiites ont déchiré le pays. Pour la province du Baloutchistan, reconnue jusqu’ici pour sa tolérance, de tels actes de violence sectaire constituent un phénomène nouveau. Il s’agit néanmoins du deuxième attentat en moins d’un mois. Le 8 juin, 12 élèves policiers de la communauté Hazara ont été tués lors de l’attaque de leur véhicule dans le centre de la ville. Au Pakistan, la minorité chiite représente environ 20 % des 145 millions de Pakistanais, musulmans à 97 %.
Rehman évoque l’implication de certains partis religieux, l’intervention des services secrets pakistanais, l’incapacité du gouvernement d’assurer la sécurité de ses citoyens, la corruption de la police et l’obscurantisme d’un système discriminatoire instauré au temps de la dictature de Zia-ul-Aq, le général qui a dirigé le pays d’une main de fer jusqu’à sa mort en 1988.
À Islamabad, on parle plutôt de la « main de l’étranger », de l’appui de mercenaires indiens, iraniens ou afghans. Et ainsi, les accusations s’entrechoquent pour masquer le malaise intérieur et détourner l’attention d’une politique nationale déficiente et d’un gouvernement qui n’est pas en mesure de maîtriser la menace intérieure.
Au loin, Quetta inquiète. Tandis que de nouvelles frontières se dressent entre les communautés religieuses du pays, à l’heure du couvre-feu décrété par le gouvernement central, les jeunes prennent d’assaut les rues du centre-ville pour jouer au cricket et narguer l’armée.
Catherine Pappas, journal Alternatives