Travail humanitaire des ONG américaines en Irak

Embargo bureaucratique

samedi 1er février 2003, par Jeremy GANS

En août 2002, le gouvernement américain a distribué 6,6 millions de dollars à différentes organisations non-gouvernementales (ONG) afin de mettre sur pied des projets d’aide humanitaire en l’Irak. Jusqu’à maintenant, aucun travail n’a été réalisé sur le terrain. L’obstacle : le département du Trésor américain.

Le Bureau de contrôle étranger (BCE), une division du département du Trésor, n’a pas encore émis la majorité des permis aux organisations américaines désirant travailler en Irak. La loi américaine oblige les ONG à détenir un permis spécial provenant du BCE afin de travailler dans un pays soupçonné d’entretenir des liens avec le terrorisme international.

« On ne peut contourner la loi américaine », explique Sid Balman Jr, directeur des communications pour InterAction, une coalition de plus de 160 organismes de développement international américains. InterAction a fait circuler une pétition en septembre 2002 afin que le gouvernement américain émette les permis requis à 18 organisations désirant apporter de l’aide humanitaire en Irak. Les résultats de ces pressions commencent à peine à se faire sentir.

M. Balman affirme que le délai relève à la fois de la lourdeur bureaucratique du gouvernement américain et des contraintes d’ordre politique. Selon lui, les membres du gouvernement resteront réticents à agir tant qu’ils n’auront pas une idée plus précise du déroulement des événements en Irak.

Au département d’État américain, on affirme que les procédures ne sont pas délibérément ralenties et qu’il en est ainsi dans l’intérêt des ONG américaines. « Ces efforts doivent être cohérents avec les sanctions des Nations unies en Irak, les lois américaines et les ordres exécutifs qui restreignent la plupart des transactions en Irak », explique un porte-parole du département, qui précise du même coup que des mesures ont été prises pour accélérer le processus d’émission de permis. Mais les ONG américaines ne semblent pas convaincues.

« Rien n’a encore bougé à l’intérieur de l’administration, après des mois de pression de la part des ONG qui tentent de mettre fin à ce blocage administratif », affirme Kenneth Bacon, président de l’organisation américaine Refugees International.

Si la guerre se déclenche, la crise humanitaire pourrait être encore pire que la situation qui prévalait après la guerre du Golf en 1991. Douze années de sanctions économiques contre l’Irak ont réussi à considérablement réduire les capacités de la population à gérer la situation en cas de conflit armé. Environ 700 000 personnes ont déjà dû être déplacées à l’intérieur de l’Irak. International Aid, une ONG américaine d’aide humanitaire, estime que ce nombre pourrait grimpé à six millions si les États-Unis attaquaient. Selon un rapport de l’UNICEF, cinq millions de personnes n’auraient pas accès à l’eau potable et aux services sanitaires en pareille situation. Richard Boucher, porte-parole du Département d’État américain, insiste : « Nous accomplissons un travail considérable afin de planifier les besoins de la population irakienne sur le plan humanitaire ».

Selon le directeur des communications d’InterAction, l’armée américaine a clairement fait comprendre aux ONG qu’elle assurerait le contrôle du travail humanitaire en cas de guerre. M. Balman précise pourtant que dans une telle situation, ce travail est accompli de façon plus efficace lorsque ce sont les ONG qui s’en occupent.
Dans leurs démarches afin d’obtenir les permis, les organisations américaines sont renvoyées d’un département à l’autre. « La valse bureaucratique à laquelle se livrent les membres du gouvernement prouve qu’ils n’ont pas l’intention de faire avancer le processus, affirme le président de Refugees International. Sur la base de ces faits, on doit conclure qu’ils [les membres de l’administration américaine] ne veulent tout simplement pas d’ONG à Bagdad. »

Jeremy Gans, stagiaire du programme Médias alternatifs d’Alternatives

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