« Ce n’était pas une décision, de quitter le Chili, mais plutôt une obligation », raconte celle pour qui l’arrivée au Canada a été une étape difficile de sa vie. Au début des années 80, elle doit fuir avec son mari et son fils le Chili de la dictature militaire du général Pinochet. « Plusieurs amis ont été tués, on vivait une persécution quotidienne qui était devenue insupportable. Il fallait trouver un endroit plus sûr », se remémore-t-elle. Une de ses sœurs vivait déjà à Toronto, et Paticia parlait un peu le français : Montréal leur servira de ville refuge.
Dans la neige et le froid
« On est arrivé au mois de novembre, dans la neige et le froid. Nous n’avions qu’un minuscule appartement, avec un matelas et un poêle. C’était tout un choc », se rappelle Patricia. Elle a mis du temps à s’adapter aux hivers québécois et à se refaire une vie à sa façon. Mais grâce à la Maison Chili-Québec, qui existait à Montréal à cette époque, et à un groupe artistique chilien dont elle a fait partie pendant plusieurs années, elle a rencontré des amis québécois et latino-américains qui sont maintenant devenus sa nouvelle famille.
« Le groupe de folklore chilien, c’était une sorte de thérapie. C’était avant tout un réseau d’amitiés mais aussi une façon de promouvoir la culture chilienne au Québec tout en dénonçant le régime de Pinochet par la musique, les chants, la danse et le théâtre », raconte-t-elle. « Les arts, c’est un merveilleux outil de communication entre les cultures. »
Trois ans après son arrivée à Montréal, cette Chilienne d’origine décide qu’il est temps d’intégrer le marché du travail québécois. Elle termine un baccalauréat en travail social à l’UQAM et décroche son premier emploi au Centre des femmes de Montréal, où elle travaille toujours comme intervenante psychosociale. Un travail qui lui tient énormément à cœur.
« Comme femme immigrante, j’ai connu des moments difficiles. Mon expérience m’a poussé à vouloir aider les femmes qui arrivent ici et qui vivent des situations semblables », affirme celle pour qui l’intégration à une nouvelle société est avant tout un processus d’échange culturel : « Je pense que l’adaptation doit se faire d’un côté comme de l’autre. Lorsqu’un Québécois de souche rencontre un immigrant, c’est aux deux personnes à se connaître et à vouloir connaître l’autre. Il faut être ouvert. »
Reconnaissance professionnelle
Même si elle considère qu’il a été relativement facile pour elle de s’intégrer à la société québécoise, l’intervenante en travail social déplore le fait que les diplômes étrangers ne soient pas reconnus au Québec. « C’est la première difficulté lorsque des immigrants arrivent ici. Qu’ils soient cardiologues, chirurgiens ou ingénieurs, leur formation n’est pas acceptée ici et ils doivent souvent se résoudre à vivre de l’aide sociale. C’est absurde ! » affirme-t-elle, un pointe d’indignation dans la voix.
Elle enchaîne : « Le gouvernement aurait avantage à intégrer ces professionnels dans le marché de l’emploi québécois. Ce sont des ressources humaines importantes qui sont perdues parce qu’il n’existe pas de structures adéquates pour intégrer les immigrants qui détiennent une diplôme et de l’expérience de travail. La mise sur pied de programmes d’insertion serait une façon de venir en aide à la fois aux nouveaux arrivants et à la société québécoise, en pénurie de médecins et de professionnels ».
Ex-présidente du Conseil latino-américain, Patricia Lazcano travaille aussi sur un projet de création d’un centre communautaire, afin de mettre sur pied un lieu d’échange entre la culture latine et québécoise : « Je trouve que les Latino-américains sont très proches des Québécois. Nous avons beaucoup de choses en commun, que ce soit au niveau des tempéraments ou de la culture. » C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle se sent Québécoise à part entière et affirme aujourd’hui : « Mon pays, c’est ici. »