La rencontre avec des collègues de passage est une des joies du métier d’écrivain. À cet égard, c’est une chance que la ville de Montréal exerce un certain charme voire une fascination sur la plupart des auteurs étrangers qui saisissent chaque occasion qui leur ait offerte de venir nous rendre visite.
C’était le cas lors du dernier Salon du livre de Montréal, en novembre. Je me suis retrouvé avec Mercedes Abad, de Barcelone, Patrick McGuiness, de Cardiff au Pays de Galles, Glenn Patterson, d’Irelande du Nord, et Gabriel Loidolt, d’Autriche.
La provenance de ces quatre auteurs ne laisse pas de doute sur la tournure qu’allait prendre notre discussion : les petits pays, les langues minoritaires, et toutes les questions identitaires qui accompagnent ces sujets.
Le Québec aime se comparer à la Catalogne, cette région autonome de l’Espagne. Mais pour la Catalane Mercedes Abad, romancière et surtout nouvelliste, les comparaisons sont fausses. Heureusement pour nous, d’ailleurs : la langue française n’a jamais été interdite au Québec, comme l’était le catalan, et nous n’avons jamais été victimes d’une guerre civile, comme ce fut le cas en Espagne à la fin des années 1930, alors que triomphait Franco. Aujourd’hui, la Catalogne est une puissance économique. Selon les autorités régionales, elle représente à elle seule 13 % de la population d’Espagne et 33 % du PNB du pays. Et elle se sert de sa puissance pour protéger sa langue. Là, la situation fait écho à la nôtre, avec de généreuses subventions pour la production de livres en catalan.
La situation des écrivains autrichiens, telle que décrite par Gabriel Loidolt (son Fils de putain est disponible en français), ressemble à ce que connaissent nos écrivains. Faut-il être édité par une maison allemande (pour nous française) pour trouver la reconnaissance ? Faut-il passer par les médias de Berlin (de Paris en ce qui nous concerne) pour toucher son lectorat ? Une problématique mondiale en fait, et à laquelle fait aussi face l’Irlandais Glenn Patterson.
Enfin, le poète Patrick McGuiness est quant à lui bien placé pour apprécier la subtilité de notre situation culturelle. Car lui, tout comme Mercedes Abad, parle français. Il fait plus que le parler d’ailleurs : il a même traduit le poète Stéphane Mallarmé en anglais. Si vous connaissez la poésie de Mallarmé, vous savez que l’exploit tient du miracle (Paul Auster s’y est aussi essayé). « Comment se fait-il, m’a demandé McGuiness, que je connaisse le festival de poésie de Trois-Rivières, alors que les journalistes anglophones ignorent tout sur lui ? »
Est-ce la question des deux solitudes ou bien le peu de notoriété dont jouit la poésie dans la population en générale ? Est-ce les deux raisons ? McGuiness quant à lui était plutôt impressionné par la vitalité de la poésie québécoise. Au point de repartir la valise remplie de livres. La poésie québécoise vient de se trouver un ambassadeur au Royaume-Uni. Elle est chanceuse !