Lentement, mais sûrement, selon Mme Barlow, les gouvernements canadiens ont cédé des pans entiers de la souveraineté du pays, en échange d’un accès plus facile au marché des États-Unis. Et on ne parle même pas du saccage des ressources naturelles. Aujourd’hui, pour devenir le « réservoir à essence » des États-Unis, le Canada assouplit ses exigences environnementales et renie ses engagements internationaux. Demain, il bradera peut-être ses réserves d’eau douce pour résoudre la pénurie qui se profile de l’autre côté de la frontière.
« On n’exige pas d’ériger des frontières autour du Canada et on ne se targue pas d’avoir une prétendue supériorité morale sur nos voisins immédiats, écrit Maude Barlow. L’humanité éprouve des problèmes très graves qui doivent être réglés. Le Canada doit décider s’il tissera des liens plus étroits en matière d’économie, de politique étrangère, de services publics et de ressources naturelles avec la superpuissance mondiale dirigée par son gouvernement le plus agressif de l’histoire moderne, ou bien s’il se tiendra du côté des peuples modérés pour lui faire contrepoids. »
Maude Barlow perçoit des signes encourageant dans le décalage de plus en plus fréquent entre les élites économiques et l’opinion publique, qui contraignent le gouvernement canadien à prendre ses responsabilités. Elle en veut pour preuve le refus canadien de participer à l’invasion de l’Irak ou au bouclier anti-missiles. Tout cela malgré le travail de sape entrepris depuis des décennies par une série de fondations et de think tank conservateurs, souvent calqués sur des organisations américaines.
Décidément, le voisinage de la superpuissance américaine n’est pas de tout repos. L’analogie avec le fait de « dormir avec un éléphant prend ici tout son sens ». Le Canada se retrouve dans la position inconfortable du dormeur imprudent qui a les deux jambes coincées sous la bête, et qui tente de s’extirper en se disant à lui-même : « pourvu qu’il n’éternue pas ».