Au bord d’une route asphaltée, on trouve des granges, dont la plus grande abrite un théâtre, un musée gratuit qui met en valeur le passé de la troupe, des maisons où logent ses membres et, en face, un grand terrain qui agit comme scène pour le cirque de la troupe, le Victory Over Everything Circus.
Dans ses années de gloire, le Bread and Puppet Theater, fondé à New York par un immigrant allemand, était un centre d’agit-prop, une grande force de théâtre de rue, alliant des formes de l’expressionnisme allemand à la commedia dell’arte, toujours à conscience sociale aiguë, mettant l’art au service du message. Le Bread and Puppet, je l’avais presque oublié. Mais en errant à travers son musée, des images surgies de la fin des années 1960, de Haight-Ashbury à San Francisco et de Washington Square dans le Greenwich Village, me sont revenues.
Quel sentiment curieux que de parcourir ce musée et de retrouver les mêmes accessoires utilisés dans le théâtre de rue pour protester contre la guerre au Vietnam ! Mais la nostalgie n’était pas que douce. Est-ce qu’on a si peu avancé ? Les énormes marionnettes, dix pieds de haut, sinon plus, auraient-elles encore pu servir 35 ans plus tard, lors d’une contestation de la plus récente agression de l’armée américaine ?
J’ai assisté au cirque un dimanche après-midi. La victoire en question, c’était celle des États-Unis de Bush. Cette Amérique triomphe sur tout ce qui bouge, à partir du diabolisé Saddam Hussein. Le cirque prêche aux convertis et la réception était enthousiaste. Mais j’ai constaté un manque de feu, malgré les applaudissements sur le grand pré de Glover. Des dames dans la soixantaine ou plus, granola jusqu’aux ongles, la tendance éco-bio remplaçant la flamme politique, un peu comme le « Earth Day » récupérait les énergies antiguerre au Vietnam après 1970. Ce qui m’a fait penser au commentaire d’une amie américaine, assez âgée, à propos de la guerre en Irak : « Impossible de protester contre cette guerre, s’est-elle lamentée. C’est le consensus positif total. On dirait que j’ai passé ma vie à manifester - pour rien. »
C’est un sombre moment pour les énergies progressistes aux États-Unis. La NPR, la radio publique américaine, en est un bon exemple. Jusqu’où ira ce réseau, supposément alternatif, dans ses critiques des intérêts commerciaux du pays alors qu’il est subventionné par les grandes entreprises ?
David Homel, chroniqueur culturel, journal Alternatives