Créée sous l’initiative de George W. Bush, l’ancien président des États-Unis, après les évènements tragiques du 11 septembre 2001, cette prison américaine en terre cubaine accueille tous les suspects des actes terroristes. Œil pour œil, dent pour dent : la justice à l’américaine. Sauf que…les prisonniers de Guantanamo subissent un sort lamentable sans même pouvoir se justifier. Selon les données d’Amnesty International, les persécuteurs procèdent à la simulation de noyade, à la mutilation des organes génitaux des prisonniers dans le but de les intimider. Ils les forcent également à la nudité, les privent de nourriture et de sommeil et ils ont même un recours à la perceuse électrique et aux chiens d’attaque.
La promesse rompue de Barack Obama
Barack Obama, le président actuel des États-Unis, a pourtant reconnu que Guantanamo était devenu le symbole de l’abus des droits de la personne. Il a clamé haut et fort la fermeture de cette prison « avant le 22 janvier 2012 » lors de sa campagne électorale et quelques jours après sa victoire aux élections en aout 2007. Si un individu demeure emprisonné à Guantanamo après cette date, il sera « renvoyé dans son pays d’origine, libéré, transféré vers un pays tiers ou transféré dans un autre centre de détention aux États-Unis », affirmait-il. Cette promesse est tombée à l’eau. Le 19 mai 2010, la commission des Services armés de la Chambre des représentants a définitivement réfuté l’idée de la fermeture de Guantanamo et du transfert des prisonniers aux États-Unis. Certains, comme les journalistes du New York Times, blâment l’opposition politique. Si tel était le cas, pourquoi alors, les votes contre la fermeture de Guantanamo étaient-ils à l’unanimité au sein de la commission des services armés qui compte parmi ses membres les républicains, ainsi que les démocrates ?
« Obama n’a pas réussi à convaincre ses représentants, car les démocrates ont fait le calcul : s’ils appuient la fermeture de Guantanamo, les électeurs ne vont pas oublier cela », affirme Patricio Henriquez, l’un des réalisateurs du documentaire Vous n’aimez pas la vérité : quatre jours à Guantanamo. Le souci de plaire aux électeurs prévaut contre l’obligation morale et le bon sens.
Les innocents torturés à titre préventif
Aujourd’hui, 171 hommes sont toujours détenus dans des conditions infâmes et la perspective d’une fermeture de ce goulag du XXIe siècle s’éloigne de plus en plus. Pourtant, il y a déjà eu plus de 800 prisonniers à Guantanamo, donc environ 600 ont été libérés. « S’ils étaient libérés, il faut croire qu’ils étaient innocents », s’indigne Patricio Henriquez, « À Guantanamo, ils savent que les prisonniers qui restent sont innocents », ajoute-t-il. Ce réalisateur d’origine chilienne, qui soulève souvent dans ses documentaires les questions de justice sociale, explique que le gouvernement américain craint que les derniers prisonniers de Guantanamo deviennent des terroristes, car ils viennent de pays en ébullition comme le Soudan et le Yémen. « Sans procès, ils y demeurent à titre préventif. Ce camp est un échec total. Clairement, il y un problème ici… On est dans la révolution conservatrice », conclut-il.
O Canada !
Dans ce contexte, l’image du gouvernement canadien ternit. Son refus catégorique de demander aux États-Unis le rapatriement de son citoyen d’origine pakistanaise Omar Khadr en est un exemple. Détenu à Guantanamo depuis 2002, malgré son jeune âge au moment de son arrestation (15 ans) et malgré le jugement de la Cour Suprême du Canada, qui a conclu à la violation répétée de ses droits constitutionnels, Omar Khadr y demeure toujours. Il est acculé à l’impasse… « S’il ment, ils voudront plus de mensonges. S’il dit la vérité, ils ne vont pas le croire », a commenté sur la situation d’Omar Khadr, son codétenu remis en liberté, Mamdou Habid.
Maître Elise Groulx, la présidente de l’Association internationale des avocats de la défense rappelle que « le Canada est le seul pays occidental qui n’a pas fait de démarches vis-à-vis des États-Unis pour rapatrier son citoyen [Omar Khadr], contrairement, entre autres, à l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Suède et l’Australie qui ont tous obtenu le rapatriement de leurs citoyens respectifs, détenus à Guantanamo. » Dans son courriel, elle critique avec véhémence la passivité du Canada dans ce dossier et souligne en outre : « [qu’}avec l’adoption récente du projet de Loi C10, le parlement canadien mené par la majorité conservatrice de Stephen Harper, on assiste à la réforme en profondeur du système de la justice pénale canadien. Le gouvernement actuel essaye d’une manière extrêmement insidieuse de changer les institutions et le visage et du Canada tant de l’intérieur qu’à l’échelle internationale. Ainsi sur la scène internationale, alors que le Canada était perçu comme le champion de la cause et de la promotion des droits de l’homme, il est maintenant trop souvent absent du débat et n’est plus à la table. Les autres acteurs internationaux se demandent trop souvent mais où est le Canada et force est de constater qu’on n’est plus là ! On est en train de disparaitre du paysage… »
Montréal s’indigne
À Montréal, le 10e anniversaire de Guantanamo et l’indignation générale quant à l’indifférence du gouvernement canadien ont réuni plusieurs personnes le 12 janvier dernier à la Place des Arts. Pendant dix heures, près de 30 artistes québécois, dont Christian Bégin, Françoise David, Hélène Florent ont pris la parole pour relayer les discours de grandes personnalités traitant de liberté. Avec beaucoup d’émotion, Angelo Cadet a lu la dernière lettre de Patrice Lumumba, l’une des principales figures de l’indépendance du Congo belge, à sa femme : « Ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions… L’histoire dira un jour son mot ». On l’attend toujours.