Remous à l’ONU
Le 18 janvier, Koffi Annan a nommé Ann Veneman, ministre de l’agriculture de l’administration Bush au poste de Directrice exécutive de l’UNICEF. Or les Etats-Unis et la Somalie sont les deux seuls pays qui ont refusé de ratifier la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant (189 pays l’ont ratifiée). Le 28 février, Supachai Panitchpakdi, ancien président de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), est nommé secrétaire général de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED). Les pays du Tiers Monde regroupés au sein du G77 ont protesté pour ne pas avoir été consultés, contrairement à l’habitude. Défendant le point de vue des pays du Sud, la CNUCED n’a rien à gagner à voir arriver à sa tête un homme qui a prouvé sa capacité à exiger des mesures économiques particulièrement défavorables pour les plus démunis.
Un autre dur nommé par Bush
Entre-temps, George W. Bush a choisi John Bolton comme ambassadeur auprès des Nations unies. Cet ultraconservateur éprouve une réelle haine envers l’ONU. On se souvient d’une déclaration incendiaire : « L’immeuble du secrétariat de l’ONU à New York compte 38 étages. S’il y en avait 10 de moins, ça ne ferait pas une grosse différence ». Il a tenté de faire virer Mohamed ElBaradei qui dirigeait l’institution des Nations unies chargée du suivi du programme de désarmement de l’Irak juste avant la guerre de 2003. C’est lui qui a obtenu que les Etats-Unis ne ratifient pas la Cour pénale internationale. Pour Bolton, « les Nations unies ne peuvent fonctionner que lorsque l’Amérique les dirige ». Il est à ce point anti-ONU qu’une partie importante du Congrès américain (y compris certains Républicains) a réagi à sa nomination.
Le cas Wolfowitz
Finalement, George W. Bush a choisi Paul Wolfowitz, numéro 2 du Pentagone et partisan acharné de l’invasion de l’Irak en 2003, pour présider la Banque mondiale. La cerise sur le gâteau ...Il faut rappeler que la procédure de désignation du président de la Banque mondiale est particulièrement antidémocratique et emblématique d’une conception impérialiste des relations diplomatiques. À écouter les responsables de la Banque mondiale, on pourrait croire que les années 1980 de l’ajustement structurel de sinistre mémoire sont bien loin, que la lutte contre la pauvreté est devenue la seule cause digne d’intérêt. Pourtant la politique menée par la Banque mondiale continue dans une logique parfaite, sans rupture, toujours au bénéfice des grandes puissances qui sont à l’origine de sa création en 1944 (à un moment où la plupart des pays d’Afrique ou d’Asie n’avaient pas encore acquis l’indépendance). C’est ainsi que la présidence en revient toujours à de grands banquiers ou à d’anciens responsables du ministère de la Défense des Etats-Unis. Ce fut déjà le cas avec Robert McNamara, chef d’orchestre de la guerre du Vietnam et qui a utilisé la Banque mondiale comme un véritable outil géopolitique au service des Etats-Unis. Avec la Banque, McNamara, a soutenu les alliés stratégiques des Etats-Unis (comme Mobutu au Zaïre, les dictatures brésilienne et argentine, Pinochet au Chili, Suharto en Indonésie, Marcos aux Philippines, etc.).
Marchandages sordides
Officiellement, les administrateurs de la Banque mondiale pouvaient bloquer cette proposition de nomination. Cela s’est déjà produit au Fonds monétaire international (FMI). En 2000, lors du départ de Michel Camdessus, le secrétaire allemand aux Finances de l’époque, Caio Koch-Weser avait fait l’objet d’un veto de la part des Etats-Unis. À la Banque mondiale, la nomination de Paul Wolfowitz a pourtant été approuvée à l’unanimité. Il est sans doute utile de rappeler que la plupart des pays européens espèrent obtenir des Etats-Unis un renvoi d’ascenseur : par exemple, le gouvernement français manœuvre pour que Pascal Lamy devienne directeur général de l’OMC. Sans compter les pays qui espèrent avoir l’appui des Etats-Unis pour obtenir un siège permanent au conseil de sécurité : l’Allemagne, le Japon, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Nigéria... Un grand marchandage honteux mais bien réel.
Réformer ou mourir
Selon l’ancien numéro 2 de la Banque mondiale Joseph Stiglitz, : « choisir le bon général dans la guerre contre la pauvreté ne garantit pas la victoire, mais choisir le mauvais accroît les risques de défaite ». La question de la légitimité des institutions multilatérales comme la Banque mondiale et le FMI est posée. Force est de reconnaître que les évènements des derniers mois démontrent qu’une autre architecture internationale est grandement nécessaire !