Opinion

Derrière le G20, c’est toujours le G8 qui mène !

jeudi 26 mars 2009, par Gustave Massiah

Le G20 se réunit le 2 avril à Londres pour discuter de notre sort et de celui du monde. Pourra-t-il sauver la planète des effets de la crise ? Ce n’est pas vraiment à son ordre du jour. On se serait attendu à ce qu’il s’occupe, par exemple, de la redistribution des richesses, des taxes sur les transactions financières et des écotaxes sur le CO2 et des normes sociales. Il va surtout discuter de la crise financière, un peu de la crise économique et probablement de la crise monétaire. Il va renvoyer les questions commerciales à l’Organisation mondiale du commerce et les questions environnementales à la rencontre de Copenhague.

En vue du sommet de Londres, on peut partager les pays du G20 en trois groupes. Les uns, plutôt anglo-saxons, derrière la Grande-Bretagne, pensent qu’il ne faut discuter que des programmes de relance et que la refondation du système international n’est pas prioritaire. Il est donc urgent d’attendre et de ne pas heurter plus que nécessaire les grands intérêts. Le néolibéralisme est suspendu, mais il reste la référence. La position des États-Unis va plutôt dans ce sens, bien que la nouvelle administration, qui n’est pas encore complète, peut réserver des surprises. Les conseillers d’Obama font dire que ce G20 arrive trop tôt.

Les autres, plutôt des Européens du continent, prennent, au moins en paroles, pour la régulation et la réforme du système financier international. Ils proposent une liste noire renforcée des paradis fiscaux et judiciaires. Mais la France, qui se veut là-dessus à la pointe, du moins dans ses déclarations, s’est bien gardée de conditionner son aide aux banques à l’arrêt de ces pratiques, contrairement à l’administration états-unienne, qui s’est attaquée au secret bancaire suisse. La recapitalisation du Fonds monétaire international, qui coûtera quelques centaines de milliards, ne se traduira même pas par une réforme consistante de cette institution. Même le principe de double majorité pour la prise de décision est passé aux oubliettes. Cette formule, soutenue par la France qui s’est par la suite rétractée, postulait qu’il fallait non seulement obtenir l’assentiment des pays qui détiennent au moins la moitié du capital, mais aussi l’aval d’une majorité de pays membres du FMI.

Les troisièmes, les pays émergents, nouveaux invités à la table, indiquent, à juste titre, qu’ils ne sont pas responsables de la crise et que les pays du G8 n’ont qu’à assumer les mesures nécessaires. Ils sont soucieux que ces mesures ne viennent pas assécher leurs économies.

Ce G20 est certes plus présentable que le G8 puisque les 20 pays représentent les deux tiers de la population mondiale. Mais dans la mesure où il s’avère un directoire autoproclamé, il reste illégitime. Et son évolution depuis sa création en 1999 n’est pas convaincante. Elle rappelle qu’en 1977, le précurseur du G8 avait créé la crise de la dette en appelant les pays pétroliers à recycler les pétrodollars et les banques à leur prêter sans trop regarder. Il avait ainsi cassé le front des pays du Sud construit à Bandoeng, en ralliant les pétroliers contre les plus pauvres. Le G8 tente aujourd’hui le même coup avec les pays émergents. Et leur suivisme dans les propositions mises au point par les Occidentaux laisse craindre le pire. Le G20 est pour l’instant un camouflage du G8, qui reste toujours aussi illégitime.

En fait, c’est toujours le G8 qui mène la parade. Plutôt le G7 d’ailleurs, la Russie ne faisant toujours pas pleinement partie de la famille. Pour les autres, prompts à mettre en avant leurs valeurs communes, ils ont beau se présenter comme le club des démocraties industrielles, c’est l’étiquette des plus riches qui leur colle toujours à la peau. C’est leur position dominante, appuyée sur la suprématie militaire qui les unit dans la prétention à décider pour le monde. Ce qu’ils ont en commun, c’est leur passé, non vraiment dépassé, de puissances coloniales. Les pays pauvres et les pauvres des pays riches ne font pas partie de leurs préoccupations.
Il reste donc les Nations unies ! Certes contestables, et malgré tous leurs défauts, les Nations unies, même sans attendre une indispensable réforme radicale, restent supérieures à tous les directoires.


L’auteur est président du Centre de recherche et d’information pour le développement, basé à Paris, et membre du conseil de gouvernance d’Alternatives International.

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