Elections USA

Derrière la victoire d’Obama, un second mandat en forme de casse-tête

mercredi 7 novembre 2012, par Pascal Riché

En 2008, Barack avait fait rêver avec deux slogans qui s’emboîtaient parfaitement : « Hope » (Espoir) et « Yes we can » (Oui, nous pouvons). L’espoir donnait la capacité d’agir ; la capacité retrouvée d’agir donnait l’espoir.

Quatre ans et quelques désillusions plus tard, son slogan était plus modeste. « Forward ». Ce qui peut signifier « En avant ! » (et sous-entendre que Mitt Romney est « backward ») mais aussi « On continue », ce qui laisse un arrière goût de statu quo.

Malgré l’évaporation du rêve, Barack Obama a réussi à emporter cette élection présidentielle. C’est en soi une prouesse : les exemple de reélection, en pleine crise économique, sont rares : demandez à Nicolas Sarkozy ce qu’il en pense, par exemple. Avec un chômage de 8%, des problèmes de logements qui persistent, une dette publique étouffante, les chances d’Obama pouvaient paraître minces.
Les républicains en panne idéologique

Il a réussi ce pari d’abord parce que le camp d’en face n’a pas été à la hauteur. Mitt Romney, républicain modéré à la base, a singé pour gagner les primaires les idéologues du Tea Party. Or, comme le constate Benjamin Barber, ancien conseiller de Clinton, ce mouvement réactionnaire n’est plus en phase avec l’Amérique des années 2010 :

« Cette frange représente une minorité en voie de disparition dans notre pays. Ils sont blancs, vieux, conservateurs, chrétiens. Ils détestent les autres, c’est-à-dire les homosexuels, les Latinos, les Asiatiques... Ils veulent une Amérique du XIXe siècle. Mais cette Amérique va changer de visage ces prochaines années. Elle sera plus latino, plus asiatique. Plus métisse. »

Ce mardi 6 novembre 2012 restera comme une très magistrale claque pour le Tea Party et ce qu’il représente.

Obama a réussi ce pari, ensuite, en travaillant son image centriste, de président gestionnaire et sérieux. Il a introduit quelques règles pour domestiquer (un peu) la finance avec la loi Dodd-Frank, renforcé (un peu) la couverture maladie, organisé le sauvetage de General Motors et Chrysler, tué Oussama Ben Laden, l’ennemi public que George W. Bush n’avait jamais réussi à attraper. Enfin, il a mis un terme à la guerre en Irak et a commencé à préparer le retrait d’Afghanistan.


Osama est mort, GM est vivant (DR)

Au cours de la campagne, Joe Biden a osé un saisissant résumé :

« Oussama ben Laden est mort, et General Motors est vivant. »

Un raccourci repris sur de nombreux autocollants et affiches.


Le casse-tête du Congrès républicain

Par bien des aspects, la situation qu’Obama va affronter est plutôt meilleure que celle qu’il a trouvé en arrivant à la Maison Blanche : c’est très lentement que les Etats-Unis s’extripent de la récession, mais ils en sortent quand même ; ils sortent également du bourbier laissé par Bush, la guerre en Irak.

Pour son second mandat, Obama rêve de profiter d’une période plus faste – « forward », donc. Mais le pourra-t-il ? Il a bien présenté un programme – éducation, formation, développement de l’industrie énergétique, augmentation des impôts pour les plus riches, régularisation d’une partie des immigrés – mais sera-t-il en mesure de l’appliquer ?

Son problème se situe à l’autre bout du Mall de Washington, sous le dome du capitole. Les Américains, ce mardi, n’ont pas voté seulement pour un président démocrate : ils ont reconduit une chambre des représentants républicaine, clairement conservatrice. Le Congrès ne manquera pas de freiner le Président, comme il le fait déjà depuis deux ans.

Dans son bras de fer avec le Congrès, le premier test, pour Obama, sera de relever –une fois de plus– le plafond de la dette, cette limite autorisée par les parlementaires au-delà de laquelle l’Etat fédéral n’a plus le droit d’émettre des obligations. La négociation avec la chambre des représentants promet d’être encore plus compliquée que la dernière fois.

Second test : la réforme de l’immigration

Second grand test, la réforme de l’immigration qu’Obama entend faire passer avant la fin de son mandat. Un enjeu économique important, doublé d’un champ de mine politique. Avec un congrès conservateur, la réforme ne sera pas aisée. Mais Omaba ne desespère pas : il mise sur le fait que les Républicains ne peuvent se couper, comme ils le font actuellement, de la minorité hispanique : dans plusieurs Etats, pour des raisons démographiques, une telle attitude relève du suicide politique.

Barack Obama se prépare donc à un mandat difficile. Pendant sa campagne, il s’est dit déterminé à « changer Washington depuis l’extérieur », formule aussi usée que le chapeau de Lincoln :

« Lors de mon second mandat, je ferait en sorte d’avoir un dialogue plus constant avec le peuple américain, pour qu’il puisse faire pression sur le Congrès. »

Yes he can ? On saura assez vite s’il est capable, en s’appuyant sur l’opinion, de faire passer quelques réformes malgré un tel Congrès. Ou si son ambition affichée n’est qu’une rodomontade de campagne. Les Texans ont une formidable expression pour railler les promesses impossibles : « All hat, no cattle » (beau chapeau, mais zéro bétail).


Voir en ligne : Publié sur Rue89

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