Le néolibéralisme n’a pas toujours été valorisé par les gouvernements. On a en effet assisté à une période souvent affublée du sobriquet des « trente glorieuses », où l’État occupait une place de choix dans la construction de la solidarité nationale et internationale. Dorval Brunelle nous convie à réfléchir sur les moments forts de l’État-providence, de même qu’à sa mise au rancart.
Les « néolibéraux » d’antan ne sont plus ceux d’aujourd’hui, nous apprend l’auteur. John Maynard Keynes et William Beveridge, en proposant de rénover le libéralisme, étaient perçus comme de véritables « néolibéraux ». En introduisant des éléments novateurs dans la théorie libérale, ils allaient bouleverser l’ordre d’après-guerre d’une façon extrêmement profonde. Le sociologue dresse un portrait des différents modèles de providentialismes qui ont eu cours dans l’après-guerre en s’attardant sur le modèle canadien, vu par certains historiens, précise M. Brunelle, comme le premier véritable État keynésien.
La contradiction entre la volonté d’internationaliser la production de son économie nationale et la volonté de protéger sa main-d’œuvre contre les contrecoups de la libéralisation devient intenable au cours des années 80. « Comment, indique M. Brunelle, pouvait-on réconcilier l’instauration d’un seul vaste marché mondial avec la prolifération d’espaces nationaux de plus en plus encadrés, fragmentés et différents les uns des autres ? » C’est à cet aspect en particulier que s’attaquera « la vulgate libérale », logique qui mènera à la conclusion d’ententes telles que l’ALÉ et l’ALÉNA.
Pour l’auteur, d’une ère de mondialisation nous sommes désormais passés à une ère de globalisation, caractérisée par une remise en cause de l’action de l’État au profit des transnationales qui déterminent de plus en plus l’ordre du jour en matière économique. Des forums et des assemblées se constituent, tels le Forum économique mondial et la Commission trilatérale, qui visent à contourner « les règles et les exigences de la démocratie représentative [...] en matière de reddition de comptes, de transparence et de publicité des débats ». En guise de riposte, le professeur plaide pour un approfondissement des liens internationaux et pour un processus de consultation à « l’intérieur d’institutions démocratiques et légitimes au niveau international ».
L’analyse que fait Dorval Brunelle de la construction de l’État-providence, de même que de son relatif démantèlement, est pénétrante et à plusieurs égards extrêmement originale.