
Ces temps derniers, on a beaucoup parlé de la place de la culture dans notre société et du concept de diversité culturelle. On a cependant moins discuté de la nature de la culture dont nous souhaitions nous doter collectivement. S’il faut en croire les cotes d’écoute et les chiffres de vente, seuls indices valables aux yeux des idéologues du néolibéralisme pour qui les « productions culturelles » (quel détestable vocable !) sont des marchandises comme les autres, le public québécois n’en aurait actuellement que pour les spectacles d’humoristes et les péripéties des académiciens de Quebecor. Cela a de quoi inquiéter ceux et celles qui, comme moi, croient que la culture englobe la notion de divertissement mais n’en est pas le synonyme.
Comme le faisait remarquer récemment le chroniqueur Laurent Laplante, nous surveillons sondages et autres instruments de mesure de l’opinion publique à nous en rendre malades, tout en nous en formant une image imprécise et même trompeuse. Pas besoin cependant d’un doctorat en sociologie pour savoir que le succès de Star Académie chez nous ou de ses clones en d’autres terres ne tient pas tant à la qualité du « produit » - cela dit, correcte selon les standards démagogiques de la pop-music - qu’au matraquage médiatique par lequel on l’impose.
Pas non plus besoin d’être bien futé pour comprendre que de telles émissions renforcent un autre phénomène : l’inflation des investissements marketing, qui fait par ailleurs obstacle à la possibilité de faire découvrir des artistes édités dans les circuits indépendants. Il suffit de syntoniser une journée les stations de radios commerciales pour constater qu’elles ne font tourner en boucle qu’une quarantaine de chansons, généralement des pastiches de pastiches de tubes du passé. En somme, le phénomène de « star-académisation » de la chanson a renforcé le poids des majors dans l’industrie musicale, au détriment des maisons indépendantes et de la véritable création.
À l’heure où des esprits chagrins remettent en question la légitimité du financement public de la culture québécoise - sans lequel nous savons, rapports de l’UNESCO à l’appui, qu’une culture nationale ne peut subsister -, tandis que la littérature et les autres arts ont pratiquement disparu de l’agora médiatique, tandis que les artistes de toutes ces disciplines vivent et créent dans des conditions de moins en moins favorables, les virtuoses du marketing célèbrent le triomphe d’une industrie de la frivolité racoleuse et d’une vision réductrice de la « chose » culturelle.
Voilà pourquoi, plus que jamais, il est impératif que nous nous posions la question : de quelle culture voulons-nous au juste ?