Vient de paraître chez Gallimard Carlos Fuentes contre Bush. Carlos Fuentes était un homme en colère depuis l’élection de George W. Bush en 2000. Après la réélection du 2 novembre, il est certainement un homme très en colère. L’ancien ambassadeur du Mexique à Paris termine ainsi son essai : « Il a été dit que, lors des élections présidentielles nord-américaines, tous les citoyens du monde devraient avoir le droit de voter. Les résultats nous concernent tous, que nous soyons Européens, Africains, Asiatiques. Et Latino-Américains... Dans ce sens, la population hispanique des États-Unis votera en notre nom à tous, qui sommes ses frères, du Mexique à la Colombie et du Chili à l’Argentine. Je veux croire qu’ils voteront avec discernement. »
118 millions d’Américains, et parmi eux pas mal d’électeurs d’origine latino-américaine, n’ont pas voté avec discernement. La lecture de ce petit ouvrage conçu comme un journal épisodique allant du 1er août 2000 au 6 juin 2004, est agréable. Se remémorer la campagne de 2000, l’épisode de la Floride et du « vol » des votes, le 11 septembre, l’opération militaire en Afghanistan, le déclenchement de la deuxième guerre du Golfe, l’occupation, l’embourbement, l’escalade de la violence, la deuxième campagne électorale opposant Bush et Kerry, n’est pas sans intérêt.
Comme tout le monde, Carlos Fuentes n’a pas cru en 2000 qu’il était possible que celui qu’il décrit comme un homme bête et incapable de réfléchir puisse être de nouveau réélu en 2004. Mais au fil des pages et du temps, celui qui a grandi dans l’Amérique de Roosevelt et du New Deal et qui, dans les années 1980, enseigna la littérature à Harvard, se rend bien compte que cela est de plus en plus dangereusement possible.
Carlos Fuentes, 75 ans, auteur, entre autres, du Vieux Gringo, ne dérougit pas. Dans une langue élégante, il parle de la pauvreté du vocabulaire du président, le qualifiant de cow-boy au chauvinisme primaire. Les États-Unis, écrit-il, sont « une hyperpuissance incompétente », et les sbires entourant Bush à la Maison-Blanche « un groupe de paléotrotskistes convertis au néoconservatisme ». Un point de vue mexicain qui fait changement de la rhétorique eurocentriste, le plus souvent franchouillarde.
Enfin, que dire du Moyen-Orient, à commencer par les Palestiniens ?
À l’heure de la mort du lider maximo palestinien des 50 dernières années, Yasser Arafat, J’ai vu Ramallah, de Mourid Barghouti, est un beau récit doux amer, d’un homme qui, en 1967, étudiant au Caire, s’est vu refuser le droit de retour à Ramallah, sa terre natale, à la suite de la guerre des Six Jours. Pendant 30 ans, l’homme devenu poète, va vivre en exil, de l’Égypte à l’Europe de l’Est - où il est pendant un temps délégué de l’OLP. Enfin, Mourid Barghouti se voit accorder en 1996 l’autorisation de revenir pour la première fois en Palestine, là où sont ses parents, ses frères et sœurs. C’est ainsi qu’il entreprend ce douloureux retour aux sources où plus rien ne ressemble à rien. On y retrouve à la fois les mots du poète arabe mélancolique, le regard du visiteur étranger et le cœur de celui qui n’est jamais parti, qui n’a jamais abandonné, ni la patrie ni la partie.
Publié au Caire en 1997, le récit de Mourid Barghouti a été traduit en plusieurs langues. C’est très prenant, poignant. Comme un épais brouillard dissimulant la chape de plomb qui surplombe les habitants de la Palestine, mais qui, tous les jours, continuent de vaquer à leurs occupations quotidiennes. Il est étonnant comment cela nous surprend toujours.