De l’urgence de débattre du Québec de demain

mardi 1er octobre 2013, par Michel LAMBERT

L’automne frappe à la porte. Pas l’automne des pommes, de l’Halloween et des jeux dans les feuilles mortes. Mais l’automne des casse-têtes. Après un printemps de solidarité et d’ouverture, puis après une longue « saison » à se remettre des grands espoirs et à s’habituer à la « normalité » des choses, le Québec sombre maintenant dans un automne gris, sans imagination.

Après le printemps du changement, après le désir de s’ouvrir plus large, plus haut et d’aller décrocher nos rêves, après une lutte en faveur de l’inclusif, pour l’universalité des droits ; c’est maintenant la grisaille de la peur des autres qu’on nous impose.

L’hiver pourrait être très long.

La %#@* !! de Charte

Tout a été dit déjà sur cette Charte arrivée de nulle part dont les visées apparaissent au mieux électoralistes. On s’insulte de part et d’autre. On se déchire à gauche comme à droite. On fracture les formations politiques comme les associations. On annonce des combats juridiques tant à Québec qu’à Ottawa. Tout le monde devient l’ennemi et le traître de tout le monde. Puis au final, après plusieurs détours et déchirements, on en arrive à ce qui semble être l’enjeu fondamental, le début et la fin de l’histoire : la question du voile chez les femmes musulmanes.

Sur cette question spécifique, s’il est vrai que le port du voile dans les sociétés musulmanes est un symbole de soumission, s’il est vrai comme le disait récemment Amir Khadir que les sociétés ouvertes et modernes « devraient pouvoir reléguer ce symbole aux oubliettes de l’histoire » ; il est tout aussi vrai que nous ne pouvons pas répondre à la stigmatisation par davantage de stigmatisation.

Ceux et celles qui affirment qu’en retirant le voile de leurs propres champs de vision, ils règleront les complexes enjeux identitaires et religieux qui sont sous ces voiles ont tout simplement tort. Au mieux, cette folie ne réussira qu‘à créer de nouvelles blessures sociales qui pourraient être très longues à guérir.

1001 débats nécessaires pour TOUT LE MONDE

Et puisqu’il faut avoir des débats de société, pourquoi ne pas faire plus de place à des enjeux qui ne s’arrêtent pas uniquement qu’à changer les vies d’une minorité dans la minorité mais qui peuvent changer la vie de l’ensemble ?

Un exemple simple : plutôt que de se déchirer sur les divinités des uns et des autres, pourquoi ne pas réfléchir ensemble sur la violence omniprésente dans notre société ? Jeux vidéo, télévision, Internet et cinéma, la violence est financée et distribuée partout et nos plus grands héros sont souvent ceux qui tabassent et assassinent le mieux et avec la meilleure technique. Est-ce là la normalité que nous souhaitons ?

Pourquoi ne pas avoir une réflexion commune tout aussi passionnée sur le monde que nous voulons laisser à nos enfants ? Les enjeux sont pourtant criants. Celui sur notre dépendance aux combustibles fossiles, par exemple, alors que nos gouvernement investissent notre argent dans le maintien d’un système pourtant non viable et dangereux pour la survie des humains sur cette planète. Pourquoi attendre ??

Le transport, l’éducation, la surconsommation, l’alimentation, les OGM, l’hypersexualisation des filles, etc… Autant d’enjeux qui méritent 1000 fois l’attention donnée aujourd’hui à la Charte.

La Charte de la division

Être contre la Charte des valeurs, c’est refuser un débat qui s’articule sur la base de la division. Il y aura toujours un "nous" et un "vous" dans cette discussion. Je n’appuierai pour ma part jamais un Québec qui se construit sur le clivage d’une partie de sa société.

Nous avons besoin de l’ensemble des habitants du Québec pour répondre aux défis du 21e siècle et entreprendre la construction de ce pays. Pour résoudre, par exemple, les grands défis écologiques, nous avons besoin de la participation et du soutien de l’ensemble des Québécois et Québécoises, de TOUTES SOUCHES. Pas 52% de 80%...

La Charte des valeurs est une fausse réponse à un faux débat. Parce que les enjeux identitaires travestissent les enjeux et les projets de société communs sur lequel il est impératif de travailler maintenant.

Rejetons les faux débats, pour l’urgence de faire les essentiels !

À propos de Michel LAMBERT

Co-fondateur en 1994 puis Directeur général d’Alternatives entre 2007 et 2020, Michel Lambert fut Président de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale de 2017 à 2020. Il a travaillé au rapprochement des groupes et organisations de la société civile, d’ici et d’ailleurs pour la promotion des principes de la démocratie, de l’égalité et de l’équité pour tous.

Il a tour à tour développé plusieurs des programmes de solidarité internationale d’Alternatives en plus de lancer et animer de multiples campagnes de justice sociale au Québec et au Canada. Il a dirigé l’antenne d’Alternatives en République démocratique du Congo entre 2002 et 2005 avant de prendre la direction de l’organisation en 2007.

Michel Lambert fut membre du Conseil de Gouvernance d’Alternatives International , du Conseil d’administration d’Alliance syndicats et tiers-monde. Il a aussi été membre des Conseils de l’AQOCI entre 2009 et 2013, de l’Association pour le progrès des communications (APC) entre 2008 et 2011 puis entre 2017 et 2020 et de Food Secure Canada entre 2009 et 2012

Il a représenté Alternatives au Conseil International du Forum social mondial et au sein de diverses coalitions québécoises et canadiennes dont notamment, les coalitions Pas de démocratie sans voix, Voices/voix. le Réseau québécois de l’intégration continentale - RQIC et plus récemment au comité de coordination du Front commun pour la transition énergétique .

Michel Lambert a joué un important rôle de mobilisation et de construction lors du Forum social des peuples tenu à Ottawa en août 2014 .

En 2018, il confondait Cultiver Montréal, le réseau des agricultures montréalaises.

En 2020, il a contribué à la création du FISIQ, le Fonds d’investissement solidaire international du Québec.

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