Il s’agit là du dernier avatar de la construction de ce qu’on appelle en Israël la « clôture de séparation ». Mais la situation n’a rien d’exceptionnelle. Elle est tout à fait identique à ce qui se passe présentement dans les régions de Tulkarem, de Qalqilya, de Jénine. En fait, c’est la même histoire qui se répète tout le long du tracé de ce gigantesque projet destiné à enterrer l’idée d’un État palestinien indépendant sur les territoires de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Contrairement à ce qu’ont affirmé les initiateurs de ce plan, le mur n’a rien à voir avec la sécurité - la preuve étant l’embuscade survenue il y a deux mois sur l’autoroute trans-Israël, près de Qalqilya, là où le mur est le plus haut et soi-disant le plus efficace, et l’attentat de la semaine dernière à Jésuralem.
Le mur d’Ariel Sharon a un objectif majeur : délimiter des bantoustans qui doivent servir d’« État palestinien ». Soit quatre à six cantons, séparés les uns des autres, sur environ 50 % des Territoires occupés depuis juin 1967, c’est-à-dire sur 10 % environ de la Palestine historique.
Cette nouvelle offre israélienne n’est évidement pas gratuite : pour avoir droit à cet « État », l’Autorité palestinienne doit non seulement mettre fin aux actions armées, mais aussi liquider toutes les formes d’opposition politique, qu’elles soient islamistes ou non. C’est en quelque sorte une véritable guerre civile que le gouvernement Sharon exige du premier ministre palestinien Mahmoud Abass, ce à quoi ce dernier s’oppose fermement, comme l’avait fait avant lui Yasser Arafat.
Qu’à cela ne tienne. Pour les membres du gouvernement israélien, si Abass ne répond pas à leurs attentes, il subira le même sort que son prédecesseur : une campagne mensongère de délégitimation internationale et sa mise à l’écart de l’arène politique. On tentera alors d’imposer une personne plus fiable et plus docile. À Washington et à Tel-Aviv, on lorgne déjà en direction du nouveau responsable palestinien de la sécurité, Muhammad Dahlan.
La trève en lambeaux
Une chose est certaine : on ne pourra imposer au peuple palestinien la capitulation, avec la création de ces bantoustans, sans un véritable bain de sang. L’attentat de la semaine dernière et la fin de la trève des violences annoncées par le Hamas et le Jihad islamique en sont la preuve. Car si les habitants de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sont épuisés par bientôt trois années de répression militaire, ils ne sont pas pour autant pacifiés.
La feuille de route oblige les Israéliens à négocier une solution, mais maintenant, tout indique qu’elle ne fera pas long feu. Pour Ariel Sharon et l’armée coloniale, la capitulation reste l’objectif. Les assassinats ciblés, les incursions dans les villes palestiniennes et, surtout, la poursuite de la colonisation (entre autres, par les expropriations liées à la construction du mur) sont autant de moyens qui ont poussé les Palestiniens à mettre fin à cette trève unilatérale annoncée il y a maintenant sept semaines. Les attentats qui se multiplient à nouveau ne sont pas le résultat des violations systématiques de la feuille de route par Israël, mais bien le but de ces provocations.
Plutôt que de se disputer sur la valeur plus ou moins douteuse de la feuille de route, le mouvement de solidarité international doit exiger qu’Israël respecte chaque détail de ce à quoi l’État juif s’est engagé dans ce plan de paix. En haut de la liste, le gel total de toute forme de colonisation, dont, évidemment, la construction du mur.
C’est le seul moyen qui permettrait de revenir à une trève dont les Palestiniens ont besoin, et qui est aussi attendue par une partie importante de la population israélienne. Sur cette base, des négociations pourraient reprendre et la paix redeviendrait ainsi un objectif crédible.
Michel Warschawski, correspondant à Jérusalem, journal Alternatives