La Conférence de Cochabamba a lancé un appel à la construction d’un mouvement mondial des peuples de la terre pour la justice climatique. Fait nouveau dans l’histoire des Forum sociaux, cet appel est appuyé par des pays progressistes, notamment ceux de l’Alba (Bolivie, Venezuela, Equateur, Cuba) ainsi que par des mouvements sociaux , principalement mais pas uniquement, d’Amérique Latine.
Un écueil potentiel se dresse : le danger appréhendé par les mouvements sociaux de se faire instrumentaliser par la stratégie « diplomatique » des pays impliqués. La méfiance des mouvements sociaux, habitués à se maintenir à distance des pouvoirs publics, pour ne pas dire dans un rapport conflictuel avec eux, est bien connue.
De l’articulation judicieuse de ces deux acteurs dépend le succès de cette alliance inédite. Déjà, lors de la Conférence de Cochabamba, des dispositions furent prises pour répondre aux besoins des uns et des autres. Ainsi l’appel à la mobilisation pour la conférence de Cancun de novembre 2010 tient compte du fait que les mouvements sociaux, dans leur grande majorité, préfèrent oeuvrer à la construction de mouvements nationaux plutôt que de se contenter de courir d’une conférence internationale à l’autre.
De plus, la proposition d’organiser un référendum mondial sur les changements climatiques a été reformulée pour inclure la possibilité de tenir des consultations populaires. Cette perspective est beaucoup plus réaliste dans les pays où un gouvernement progressiste n’est pas au pouvoir. Quant à la mise sur pied d’un tribunal pénal international pour la justice climatique, il est évident que l’ONU, sous la gouverne d’un Conseil de sécurité dominé par les grandes puissances, fera la sourde oreille. Dés lors, la mise sur pied de tribunaux d’opinion populaire, un peu comme le fut dans les années ‘60 le Tribunal Russell-Sartre contre les crimes de guerre au Vietnam, s’impose comme une perspective plus mobilisatrice qu’une campagne diplomatique à l’ONU.
Que faire au Québec ?
Ici même, les perspectives d’action évoquées par Cochabamba devraient nous stimuler à bâtir un mouvement populaire pour la justice climatique qui dépasse les seuls groupes et organisations écologiques. Un peu comme l’a fait la Conférence en Bolivie, nous devons chercher à impliquer les syndicats, les groupes communautaires, le mouvement des femmes, les mouvements altermondialistes, les partis politiques progressistes, dans une vaste campagne d’éducation et de mobilisation. Celle-ci devrait viser autant les politiques environnementale bancales de nos gouvernements que celles des grands organismes internationaux (ONU,FMI,OMC, etc) et des puissances industrielles, au premier chef les Etats-Unis.
Nous ne pouvons passer à côté des politiques particulièrement régressives du gouvernement Harper qui se révèle comme un des pires opposants au niveau mondial à toute lutte aux changements climatiques. Non seulement s’est-il avéré l’un des joueurs clés dans la mise au rancart du protocole de Kyoto et l’échec de Copenhague, mais au niveau pan-canadien ses politiques sont proprement catastrophiques. Selon le quotidien Le Devoir, à la fin de décembre 2012, le Canada dépassera de 34.9% l’objectif de Kyoto pourtant ratifié par le parlement d’Ottawa en 2004 (Le Devoir, édition du 4 juin 2010, pg 1). L’obstination des Conservateurs fédéraux à poursuivre le projet des sables bitumineux en Alberta, projet industriel le plus polluant au monde et responsable de 29% des émissions de GES au Canada, confine à la négligence criminelle.
Dans une perspective de lancement d’une campagne publique pour des consultations populaires, sur le modèle de celles qui furent organisées par des organisations syndicales et communautaires contre la ZLEA, la formulation d’une question portant sur le projet des sables bitumineux albertains pourrait s’avérer très mobilisatrice. N’oublions pas que ce développement industriel, responsable d’une majeure partie de la pollution s’abattant sur nous, ne fut jamais soumis à aucune forme de consultation populaire ou électorale des citoyens québécois.
De même, pour un tribunal d’opinion sur les crimes contre l’environnement. Stephen Harper et les grandes sociétés pétrolières impliquées dans les sables bitumineux feraient office d’excellents prévenus dans un premier exercice de ce type, qu’il ait lieu au niveau international ou bien même au niveau canadien ou québécois.
Les Journées Alternatives : l’amorce d’une coalition québécoise ?
Les 16è Journées Alternatives, qui auront lieu au Camp Papillon du 27 au 29 août 2010, promettent d’être un premier banc d’essai de ces perspectives de mobilisation. Un des thèmes principaux de cette activité sera la Justice Climatique avec un panel d’ouverture intitulé « De Copenhague à Cancun » prévoyant des interventions et des discussions sur une éventuelle coalition québécoise sur la justice climatique. Cette coalition pourrait intervenir autant sur les consultations populaires que sur les éventuels tribunaux pour les crimes environnementaux. La liste particulièrement fournie d’invités de marque à ce panel promet un lancement en grande de ce projet de coalition. Mentionnons en vrac Georges Lebel, professeur de droit à l’UQAM ; Amir Khadir, le député de Québec solidaire ; Ian Angus, l’un des animateurs les mieux connus des réseaux écosocialistes du Canada Anglais ; Christophe Aguiton, militant altermondialiste bien connu et fondateur d’ATTAC-France. Un évènement à ne pas manquer. Reservez maintenant !