De Bogota à Sherbrooke...

mercredi 25 juin 2003, par Karine GIRARD

Son travail de militant l’a forcé à quitter la Colombie pour venir se réfugier au Québec. Mauricio Correa a continué son combat ici, et son engagement est devenu signe d’intégration. Portrait d’un militant des Amériques.

En Colombie, en pleine guerre civile, Mauricio s’impliquait pour la défense des droits humains dans les milieux universitaires. En 1999, les groupes paramilitaires lui ordonnent de quitter sa ville, Naiba, située à cinq heures de Bogota. Mauricio choisi néanmoins de poursuivre sa lutte, de ville en ville. Il continue son combat pendant un an, « une année de souffrance et de persécution », avant de se décider à quitter son pays. « La première réaction, c’est de ne pas vouloir partir de chez soi. Tu luttes pour ton pays, pour la défense des lois sociales », explique-t-il. Mais le jour où ses opposants s’en prennent à sa famille, Mauricio se résout à quitter la Colombie.

C’est en mai 2000 qu’il débarque à Gatineau avec le statut de réfugié. Il raconte son plus grand choc à l’arrivée : devoir s’exprimer dans une nouvelle langue. « Ça été l’aspect le plus difficile. On redevient comme un enfant qui a besoin d’aide pour tout faire. » Mauricio dit avoir reçu un grand soutien de nombreuses organisations pour tous les aspects administratifs et apprécie la solidarité dont on a fait preuve à son égard. Il admet tout de même que ce support n’est pas toujours suffisant au plan émotionnel. « La première année, j’ai vécu une grande solitude. Ce n’est pas facile de reconstruire sa vie. »

Il consacre les trois premiers mois à l’apprentissage du français et parvient à se trouver un travail à Ottawa. Il accepte alors l’invitation d’amis colombiens installés à Sherbrooke qui l’encouragent à venir les rejoindre et à relancer d’ici le projet qu’il avait là-bas.

Aujourd’hui, l’étudiant en sciences politiques est parvenu à s’intégrer, en grande partie grâce à son implication sociale. Il explique que c’est sa vision « internationaliste » plutôt que nationaliste qui lui permet de poursuivre son combat. « Le problème est global. Je suis sorti de mon environnement de travail, en Colombie, mais je peux continuer ici. Il y a un mouvement social qui conteste et qui est solidaire. » Selon lui, l’Amérique latine n’était qu’un laboratoire pour l’application des politiques néolibérales qu’on s’apprête maintenant à appliquer au reste de l’Amérique.

Il est arrivé au Québec alors que les discussions sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) allaient bon train, lui permettant ainsi de s’impliquer dans les mobilisations contre cet accord qui touche toute l’Amérique. Il s’est ensuite impliqué avec le Forum social de la jeunesse estrienne. Avec d’autres étudiants colombiens installés à Sherbrooke, il a également fondé un groupe d’études pour la solidarité avec l’Amérique latine, axé sur l’éducation populaire. « Le groupe s’adresse au milieu universitaire, organise des ateliers. Il invite à analyser, à étudier la situation et à construire ensemble des alternatives. »

Immigrer au Canada

Mauricio pose un regard critique sur le processus d’immigration au Canada. Selon lui, l’immigration n’a pas vraiment le caractère humanitaire qu’elle devrait avoir. Il insiste sur l’importance de privilégier les demandeurs qui ont réellement besoin de fuir leur pays d’origine. « J’ai été chanceux, j’ai pu venir grâce à un contact, mais plusieurs autres personnes sont en danger et ne sont pas reçus faute de papiers qui certifient qu’ils sont menacés », affirme-t-il.

Il croit avant tout que nos dirigeants et compagnies doivent arrêter de financer les guerres et de placer l’économie au-dessus de l’être humain. « Travaillons ensemble à l’échelle nationale et internationale pour faire face au modèle néolibéral qui brime les droits sociaux, environnementaux et les droits humains. »

Karine Girard, stagiaire du programme Médias alternatifs

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