
Il y a quelques semaines en France, sur le plateau dénudé du Larzac, littéralement brûlé par une canicule insoutenable, 250 000 personnes se sont réunies durant trois jours pour mesurer les progrès faits depuis les débuts du mouvement altermondialiste et évaluer des pistes futures. Durant cette grande messe alternative et solidaire, quelques jeunes radicaux en ont profité pour démanteler le stand du Parti socialiste français, accusé de composer avec le néolibéralisme.
À peu près au même moment, à l’autre bout de la planète, en Californie, l’acteur Arnold Schwarzenegger annonçait qu’il serait candidat au poste de gouverneur de cet État et a rapidement pris la tête dans les sondages d’opinion. En Australie, d’où j’écris ces lignes, le Labour Party est en crise et constate que les jeunes abandonnent de plus en plus ce parti qu’ils appuyaient traditionnellement. Ils le quittent pour le Green Party ou pour militer dans le mouvement associatif. Lors d’un récent séjour en Grande-Bretagne, j’ai pu constater le même phénomène, une tendance qui s’accentue au fur et à mesure que les mensonges et les manipulations de l’opinion publique tramés par le gouvernement Blair pour justifier la guerre en Irak deviennent publics.
De prime abord, rien ne relie ces événements. Or, ils illustrent une tendance lourde dans l’évolution des démocraties occidentales. La politique traditionnelle fait de moins en moins recette. Aux États-Unis, la désaffection à l’égard de la politique est telle qu’elle a permis l’élection d’un fondamentaliste religieux et impérial qui représente un courant largement minoritaire de la société américaine. Elle permettra aussi peut-être l’élection d’une montagne de muscles à la tête de l’État américain le plus populeux et le plus riche. Chez nous, on l’a vu lors des élections québécoises, la participation au scrutin a connu une chute historique. La mobilisation autour de la guerre en Irak a d’autre part démontré une politisation croissante de tous les secteurs de la société.
Certains se réjouiront de ce rejet de plus en plus dramatique de la politique traditionnelle. Ce pourrait être une courte joie et un cul-de-sac si nous continuons à quitter la politique classique pour l’abandonner aux seules personnes qui l’utilisent pour en profiter, c’est-à-dire les professionnels carriéristes des partis traditionnels. Le problème de l’existence d’une alternative politique réelle et progressiste se pose de plus en plus avec une urgence exceptionnelle. Car si nous persistons à nous contenter de forums sociaux, de manifestations monstres et de grands rassemblements alternatifs, il n’y aura plus que des gens de droite pour remplir les boîtes de scrutin et organiser nos vies.
Gil Courtemanche, chroniqueur politique, journal Alternatives