Dans la lutte contre la globalisation économique, la mobilisation suscitée par les modes de production agricole font de l’alimentation un débat important dans le milieu militant. Au Canada, un mouvement grandissant défie la mondialisation de l’industrie agroalimentaire et l’industrialisation des entreprises agricoles en supportant de petites fermes locales ou encore en cultivant ses fruits et légumes en ville.
Petite échelle
Au cours des dernières décennies, le Québec a vu le nombre de ses exploitations agricoles chuter dramatiquement. Selon Dana de l’Union paysanne, « les petites fermes ont été éliminées pour laisser la place à l’industrie porcine au Québec ». Plusieurs petites productions agricoles ont disparu, les subventions provinciales favorisant les grandes industries au détriment des entreprises familiales.
Misant avant tout sur le profit, les grandes exploitations agricoles sont souvent moins respectueuses de l’environnement et privilégient des pratiques tel l’usage intensif de pesticides.
Afin de protéger les petites fermes québécoises, le groupe environ-nemental Équiterre a mis sur pied des projets d’agriculture soutenue par la communauté (ASC) en 1995. Une poignée de petits agriculteurs ont commencé à livrer leurs produits à quelques centaines de citadins sur une base hebdomadaire. Aujourd’hui, 9 000 Montréalais soutiennent 62 fermes locales par le biais de cette organisation.
« Ce projet est une alternative vis-à-vis de la globalisation de l’industrie alimentaire, affirme Isabelle Joncas d’Équiterre. Les gens choisissent de participer parce qu’ils sont de plus en plus conscients des conséquences de l’industrie alimentaire sur la santé, la société et l’environnement. Ils sont conscients que leurs choix de consommation font partie de la solution. »
Jardinage urbain
D’autres solutions s’offrent à ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des produits frais de la ferme sur une base régulière. En 1996, l’organisation montréalaise Éco-Initiatives a mis sur pied des projets de jardinage urbain. Un nombre grandissant de potagers et de cuisines communautaires ont permis à des familles à faibles revenus de faire pousser des fruits et légumes dans leurs propres quartiers et d’échanger des recettes en cuisinant en groupe.
Selon Jean-Marie Chapeau, président d’Éco-Initiatives, ces projets permettent une meilleure utilisation des espaces verts de la ville. L’organisation encourage les propriétaires à partager leur cour arrière avec les jardiniers du voisinage, une bonne façon d’augmenter la sécurité alimentaire des quartiers plus pauvres tout en renforçant la solidarité dans la communauté.
Ainsi, certains Montréalais n’attendent pas après la Ville de Montréal pour se voir accorder un terrain. L’année dernière des citoyens ont entrepris de nettoyer un espace laissé à l’abandon sur le Plateau Mont-Royal où s’entassaient des détritus. Ils en ont fait un potager et un terrain de jeu pour enfants. Mais il s’agissait d’un terrain privé. Et maintenant qu’il est fin propre, le propriétaire a décidé de le vendre. Ce qui a été fait, il y a quelques semaines, dans le but d’y construire des condominiums. Et ce, malgré l’appel lancé à la Ville pour qu’elle l’achète et le remettre entre les mains de la communauté.
S’enraciner
Tout de même, de telles initiatives contribuent aussi à tisser des liens de solidarité entre les agriculteurs et les citadins qui partagent les mêmes préoccupations. Plutôt que de perpétrer la relation producteur-consommateur, l’Union paysanne préfère ne pas faire de distinction et considère plutôt ses 2 500 membres comme des citoyens, dont 800 sont des producteurs agricoles.
Si le but de l’organisation est de rendre la loi québécoise plus favorable aux petites exploitations agricoles qui respectent les normes environnementales, le jardinage urbain est l’une des priorités de l’Union paysanne. Ce regroupement fait aussi pression afin que Montréal rende obligatoire le compostage et adopte le plus rapidement possible une loi anti-pesticides.
Même si ces changements ne sont pas pour demain matin, des stratégies comme les projets d’ASC et le jardinage de quartier ont permis aux citoyens de prendre les choses en main. Les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par ce qu’il y a dans leur assiette. C’est à eux de décider si ces petits projets d’agriculture locale ne sont qu’une mode passagère ou s’ils vont définitivement s’enraciner dans les communautés.