Coupable d’inspirer

jeudi 1er novembre 2012, par Michel LAMBERT

Montréal est une ville de coupables. Depuis des mois, les voleurs et les corrompus font la sellette oubliant même les sommes dérobées, les dates, les autres dérobeurs de biens publics impliqués. Ces gens se promènent en cravate et beaux atours, sont invités et applaudis à Tout le monde en parle et retournent tranquillement dans leurs maisons récemment léguées à leurs femmes ou enfants. Pourtant aujourd’hui c’est un jeune militant de 22 ans qui est trouvé coupable pour avoir fait valoir des droits collectifs. Ce 1er novembre 2012, Gabriel Nadeau-Dubois fut trouvé coupable d ‘outrage au Tribunal pour avoir fait valoir, sur RDI, les droits des associations étudiantes en grève devant les injonctions individuelles qui se multipliaient au printemps dernier.

"Quand les bandits sont au pouvoir, la place d’un honnête homme est en prison." Michel Chartrand

La phrase est célèbre et aujourd’hui, tristement d’actualité. Commentant la nomination du juge qui a aujourd’hui condamné GND, André Noël écrivait déjà dans La Presse en 2005 ; « Nommé à la Cour supérieure en 2004, Denis Jacques était pressenti pour être candidat libéral dans Québec aux élections de 2004. Il était alors conseiller juridique pour les libéraux de cette circonscription. » Il s’agit de plus d’un donateur du parti de longue date…. et on commence à savoir à Montréal ce que ça veut dire par les temps qui courent.

Dès lors, le conflit d’intérêt était questionné et la décision d’aujourd’hui y ajoute l’inadmissible car faut-il le rappeler, GND risque maintenant une peine d’emprisonnement !

Légitime de respecter les votes de grève

Au printemps, avec le soutien du gouvernement de Jean Charest et des grands médias, les tribunaux ont tôt fait de contourner les décisions démocratiques des associations étudiantes en accordant plusieurs injonctions individuelles qui devront tôt ou tard être jetés aux vidanges car totalement contraires à la loi.

Ces injonctions en effet faisait valoir les « droits » de certains d’avoir accès à leurs cours alors qu’eux mêmes, étaient membres d’associations étudiantes en grève. Faut-il le rappeler, les associations étudiantes ne sont pas de simples « associations », elles dont reconnues par la « Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants » (la fameuse loi 32) qui lie les membres des associations au décisions adoptées démocratiquement par la majorité et qui oblige l’institution scolaire à ne reconnaitre l’association étudiante comme seule représentante des étudiants. On pourrait comparer la logique des injonctions printanière à celle qui permettrait à un juge d’accorder une injonction à un individu concernant toute décision gouvernementale sur la base qu’il n’a pas voté pour le parti au pouvoir !

Les paroles de GND qui faisaient valoir la légitimité du système démocratique et des décisions des associations étudiantes dans ce contexte n’avaient rien de révolutionnaires. N’importe quel juge qui se respecte aurait dû à l’origine rejeter les requêtes d’injonctions du revers de la main. Mais ce ne fut pas le cas…

Une clause GND pour punir la désobéissance

On le sait, les gouvernements de toutes allégeances ont peur de la désobéissance et de la mobilisation populaire. Par l’adoption de la désormais célèbre loi 78, Le gouvernement Charest annulait toutes les injonctions préalablement accordées tout en maintenant les procédures pour outrage au tribunal, un article surnommé « clause Gabriel Nadeau-Dubois ». Pauline Marois qui a annulé la loi 78 s’est aussi bien gardé de revenir sur la question laissant Gabriel Nadeau Dubois seul à la merci des tribunaux.

  • « Nous avons planté ce printemps les graines d’une révolte qui ne germera peut-être que dans plusieurs années. »

Toutes ces questions semblent techniques et elles le sont. Car l’offense de GND n’est pas là. Sa faute est dans l’inspiration que lui et les autres leaders étudiants ont contribué à insuffler à la société québécoise. Le printemps érable est une faille dans l’establisment québécois et il importe sans doute pour plusieurs que la matraque légale achève maintenant ce que celle en caoutchouc dur n’a pas su faire.

Car pour citer Gabriel en terminant, ce sont « les mêmes personnes, avec les mêmes intérêts, les mêmes groupes, les mêmes partis politiques, les mêmes instituts économiques. Ces gens-là, c’est une seule élite, une élite gloutonne, une élite vulgaire, une élite corrompue, une élite qui ne voit l’éducation que comme un investissement dans du capital humain, qui ne voit un arbre que comme une feuille de papier et qui ne voit un enfant que comme un futur employé.

Ces gens-là ont des intérêts convergents, un projet politique convergent, et c’est contre eux que l’on doit se battre, pas seulement contre le gouvernement libéral. Et je peux vous transmettre le souhait, je crois, le plus cher des étudiants et des étudiantes qui sont en grève au Québec : c’est que notre grève serve de tremplin à une contestation beaucoup plus large, beaucoup plus profonde, beaucoup plus radicale de la direction que prend le Québec depuis les dernières années. »


Voir en ligne : Lire "Faits et causes" sur la cause de GND

À propos de Michel LAMBERT

Co-fondateur en 1994 puis Directeur général d’Alternatives entre 2007 et 2020, Michel Lambert fut Président de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale de 2017 à 2020. Il a travaillé au rapprochement des groupes et organisations de la société civile, d’ici et d’ailleurs pour la promotion des principes de la démocratie, de l’égalité et de l’équité pour tous.

Il a tour à tour développé plusieurs des programmes de solidarité internationale d’Alternatives en plus de lancer et animer de multiples campagnes de justice sociale au Québec et au Canada. Il a dirigé l’antenne d’Alternatives en République démocratique du Congo entre 2002 et 2005 avant de prendre la direction de l’organisation en 2007.

Michel Lambert fut membre du Conseil de Gouvernance d’Alternatives International , du Conseil d’administration d’Alliance syndicats et tiers-monde. Il a aussi été membre des Conseils de l’AQOCI entre 2009 et 2013, de l’Association pour le progrès des communications (APC) entre 2008 et 2011 puis entre 2017 et 2020 et de Food Secure Canada entre 2009 et 2012

Il a représenté Alternatives au Conseil International du Forum social mondial et au sein de diverses coalitions québécoises et canadiennes dont notamment, les coalitions Pas de démocratie sans voix, Voices/voix. le Réseau québécois de l’intégration continentale - RQIC et plus récemment au comité de coordination du Front commun pour la transition énergétique .

Michel Lambert a joué un important rôle de mobilisation et de construction lors du Forum social des peuples tenu à Ottawa en août 2014 .

En 2018, il confondait Cultiver Montréal, le réseau des agricultures montréalaises.

En 2020, il a contribué à la création du FISIQ, le Fonds d’investissement solidaire international du Québec.

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