« Au cours d’un projet pilote, nous avons développé des fiches thématiques sur les droits des femmes autochtones en collaboration avec l’organisme Droits et Démocraties », raconte Joanne Ottereyes, coordonnatrice internationale de l’organisme Femmes Autochtones du Québec (FAQ).
« Comme nous devions les envoyer aux femmes des communautés éloignées, on a d’abord eu l’idée de monter une bibliothèque virtuelle sur le site d’Enlace, puis on s’est dit que ce serait bien de permettre un apprentissage plus complet. »
C’est de cette volonté, et de la collaboration avec deux autres groupes, qu’est né Aulas Virtuales Enlace en 2006. Unilingue espagnol, ce portail comprend une bibliothèque, une vidéothèque, mais également une plateforme interactive avec laquelle se donne les cours virtuels. « Au Québec, on travaille surtout sur l’appui financier, le développement des cours et le support technique, mais le site a été créé par les femmes du Panama et il est géré à partir de là », précise Mme Ottereyes.
Jusqu’à maintenant, l’école a dispensé trois cours virtuels portant sur les droits des femmes autochtones et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Peu importe le thème, la formule reste la même : pendant six à huit semaines, une quarantaine d’étudiantes reçoivent par courriel un document thématique, ainsi qu’une série de questions. Ils doivent ensuite acheminer leurs réponses au professeur. À la fin de la session, chacune est notée et elle reçoit une attestation émise par l’école. « On est actuellement à la recherche d’un partenaire universitaire au Panama pour être plus reconnu », révèle Joanne Ottereyes.
Une fois leur attestation en poche, les étudiantes - il y a tout de même quelques hommes - sont invitées à transmettre les connaissances à leur manière dans leur communauté.
L’école compte plusieurs élèves et des professeurs panaméens puisque le site Internet est géré dans ce pays. Mais comme tout se déroule en espagnol, une bonne part de la clientèle et du personnel provient des nombreuses autres communautés autochtones dispersées sur tout le sous-continent latino-américain.
La notion d’échange est probablement l’une des clés du succès de l’école. « Au-delà des connaissances théoriques, les cours donnent la possibilité de développer des liens entre les femmes autochtones de différents pays, estime Marie Léger, conseillère principale en droits des peuples autochtones à l’organisme Droits et Démocratie. En plus, ils leur permettent de partager leurs expériences, ça les incite à voir comment changer leur propre réalité. » Et malgré ce que l’on pourrait s’imaginer de prime abord, l’utilisation de l’ordinateur, encore rare dans plusieurs communautés reculées, ne constitue vraiment pas un obstacle. « C’est sûr qu’à la limite, ça risque de toucher plus les femmes des villes, admet la conseillère de Droits et Démocratie, quoi que c’est étonnant de voir le nombre d’ordinateurs disponibles dans les cafés Internet et les organisations communautaires. »
« Il y a beaucoup d’intérêt qui se développe actuellement pour l’école, se réjouit de son côté Joanne Ottereyes. On a reçu plus de 200 demandes d’inscription pour le dernier cours et il n’y avait que 35 places ! » C’est pourquoi des projets d’expansion, autant du nombre de professeurs que du contenu des cours offerts, sont actuellement dans l’air. Un des prochains cours portera par exemple sur la propriété intellectuelle et les instruments internationaux qui sont à la disposition des femmes pour protéger le savoir autochtone traditionnel.
« L’école est encore naissante, mais c’est une bonne idée qui va faire des petits », résume Marie Léger. Et elle ne croit pas si bien dire : Joanne Ottereyes s’envolera prochainement pour le Panama dans le but d’y suivre une formation pour devenir professeure à Aulas Virtuales Enlace. « Après mon retour, on se mettra à la traduction des cours, puis à la recherche de partenaires nord-américains, précise la principale intéressée. Nous voulons d’abord mettre sur pied une version anglaise de l’école pour pouvoir toucher le plus de femmes autochtones possible sur le reste du continent américain. Et si ça fonctionne bien, on verra ensuite pour la version française. »