En août 2003, au Honduras, le code pénal a été amendé pour interdire de façon spécifique l’existence des gangs de rue. Constatant que le taux de criminalité ne chutait pas, le Parlement a alors voté en faveur de peines d’emprisonnement, allant de 20 à 30 ans, pour les membres de gangs de rue commettant un acte « criminel », quel qu’il soit. Le mois dernier, les ministres de la Défense, de la Sécurité et de l’Intérieur du Guatemala, du El Salvador, du Honduras, du Nicaragua et du Costa Rica se sont rassemblés au Honduras afin de conclure une entente visant la création d’une équipe régionale composée de membres de l’armée, de la police et du pouvoir judiciaire.
Mais malheureusement, la guerre contre les gangs de rue se joue habituellement en marge du système judiciaire. Selon les plus récentes estimations publiées par le Comité de Familiares Detenidos-Desaparecidos au Honduras, au cours des quatre dernières années, plus de trois mille enfants et jeunes adultes de moins de 26 ans ont été tués par des escadrons de la mort. Les données ont été fournies principalement par Amnistie internationale et les Nations unies, ainsi que par plusieurs organisations non gouvernementales locales.
Escalade
Les forces policières locales ont été sous-financées, mal formées et corrompues. En réaction, les citoyens exaspérés ont pris les armes pour former des escadrons volontaires afin d’assurer eux-mêmes la sécurité, tandis que des firmes de sécurité privées douteuses prolifèrent. De l’autre côté, les gangs de rue ne se font pas discrets et ne donnent pas dans la dentelle. L’an dernier, certains de leurs membres ont déchargé des têtes décapitées dans les rues de la capitale, accompagnées de notes exigeant du président Ricardo Maduro qu’il cesse ses mesures de répression à leur encontre.
Actuellement, le taux d’homicides au Honduras est horrifiant, et la perception que la criminalité est en hausse et carrément hors de contrôle est omniprésente au sein de la société hondurienne. De ce fait, les rumeurs et la spéculation sont répandues et alimentent la peur : dans un récent discours, le président Maduro a comparé les gangs à l’organisation séparatiste basque ETA en Espagne, à la mafia italienne et à l’Armée républicaine irlandaise. Plusieurs sources de nouvelles locales ont cité le ministre de la Sécurité, Oscar Alvarez, spéculant sur la possibilité que les gangs puissent avoir des liens avec Al Qaïda.
Tout ça, ce n’est pas faute d’information et de sensibilisation. Il existe au Honduras un certain nombre de groupes populaires extrêmement dévoués, bien informés et bien organisés qui ont participé à la collecte et à la diffusion d’informations sur les mises à mort d’enfants. Et les détails des graves violations des droits humains sont convenus et reconnus par toutes les parties impliquées. Il est donc difficile de comprendre comment il se peut que des corps massacrés d’enfants morts continuent d’être régulièrement retrouvés alors que l’information est de nature publique, relativement exacte et largement acceptée. Qu’ils soient délinquants ou pas, les enfants devraient tous avoir le droit de vivre sans être torturés et exécutés de façon arbitraire.
Seulement, c’est la légitimité même des normes des droits humains qui est ouvertement questionnée par les secteurs d’influence au Honduras. Les populations effrayées considèrent que le respect des droits, en bout de ligne, leur rendra un bien mauvais service lorsque la violence atteindra le pas de leur porte.
Le gouvernement et la classe moyenne supérieure se sentent menacés par les enfants de la rue et demeurent par conséquent en faveur de mesures davantage répressives. Le fait que des erreurs soient commises au quotidien et que des mineurs soient tués est perçu par ces derniers comme l’effet secondaire malheureux d’une solution autrement saine au chaos et à la peur.
Quelle solution dutable ?
Néanmoins, en réaction à la pression internationale et nationale, le gouvernement du Honduras a alors créé une « Unité spéciale pour l’investigation sur les morts violentes d’enfants ». Ce qui n’a pas empêché Amnistie internationale de déplorer l’inefficacité de l’unité, affirmant qu’au cours de ses deux années d’existence, elle n’avait condamné que trois personnes, dont deux étaient des policiers. Le ministre de la Justice a par la suite déclaré au Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme qu’en réalité l’unité avait soumis 54 dossiers au bureau du procureur général, menant à la condamnation de 32 policiers. Pendant ce temps, l’« industrie des justiciers » n’est pas inquiétée et continue de croître.
Une solution durable au problème exige une bonne dose de coordination difficile avec la police, la communauté locale, les écoles et le gouvernement en général. En ce qui concerne la communauté internationale, un manque d’information n’est plus une excuse au « trop peu, trop tard » régulièrement invoqué. Mais apparemment, ce n’est pas un thème porteur et il n’y a pas suffisamment de défenseurs des droits de