Chronique d’un référendum avorté au Venezuela

dimanche 28 septembre 2003, par Olik VALERA

Après le coup d’État en avril 2002 et l’échec de la grève patronale en février 2003, l’opposition vénézuélienne s’est lancée corps et âme dans la mise sur pied d’un référendum afin de révoquer le mandat du président Chavez. Mais différentes entorses aux procédures juridiques devant mener à un tel référendum ont signé l’arrêt de mort de ce projet, le 12 septembre. L’opposition n’a toutefois pas dit son dernier mot. Loin de se décourager, elle est prête à tout recommencer pour transposer aux urnes son mécontentement envers le gouvernement.

Rappelons les faits : Chavez arrive au pouvoir en 1998. Ses réformes sociales irritent l’élite économique du pays qui s’organise contre lui. Les manifestations se succèdent, la violence et l’instabilité politique montent en flèche. Un complot se dessine. Coup d’État manqué le 11 avril 2002, Chavez revient en poste trois jours plus tard. Peu de temps après, l’opposition annonce une grève patronale de tous les secteurs économiques du pays. L’entreprise d’État Petróleos de Venezuela (PDVSA) joint la grève, paralysant la nation. Le gouvernement tient tête et reprend le contrôle de PDVSA. Trois mois plus tard, le patronat, exténué et au bord de la faillite, lève la grève, qui se solde par un échec.

Peu de temps après, l’opposition met de l’avant une nouvelle stratégie. « L’opposition n’avait guère le choix de se tourner finalement vers la Constitution pour trouver une voie légale et démocratique afin d’évincer Chavez du pouvoir : le référendum », explique Edgardo Lander, professeur à l’Université centrale du Venezuela à Caracas, lors de son passage au Québec à l’invitation d’Alternatives. Un article de la Constitution vénézuélienne prévoit en effet la possibilité de tenir un référendum sur la révocation de postes au sein du gouvernement, si au moins 20 % de l’électorat en fait la demande. Un tel scrutin ne peut avoir lieu qu’après la première moitié d’un mandat. La présidence de Chavez arrivait à mi-parcours le 19 août.

Dès le lendemain de cette date butoir, l’opposition vénézuélienne, représentée cette fois-ci par la Coalition démocratique - une alliance formée après la grève entre l’entreprise privée, les syndicats, les médias et les partis traditionnels - a présenté plus de trois millions de signatures demandant la tenue immédiate d’un référendum révocatoire.

L’impasse

Mais au moment où l’opposition remettait les signatures au Conseil national électoral du Venezuela (CNE), le 20 août, il n’y avait pas encore de membres au sein de cette instance pour vérifier la validité des signatures récoltées. Cette situation était dûe à une impasse politico-administrative au Congrès vénézuélien, ou plus particulièrement aux désaccords entre le gouvernement et l’opposition concernant le choix et l’élection des membres du CNE.

Face à l’immobilisme politique, la Cour suprême du Venezuela a pris la situation en main en désignant unilatéralement cinq nouveaux membres au CNE. « C’est dangereux », averti M. Lander, non pas parce que la Cour suprême a agi de façon unilatérale - la Constitution le permet dans ce cas particulier - mais à cause du « manque de légitimité que les résultats d’un éventuel référendum pourraient avoir ».

Aussitôt en fonction, le nouveau CNE s’est attelé à la tâche afin de faire avancer le processus référendaire. Contre toutes attentes, le CNE a rejeté, le 12 septembre, la demande de référendum, non conforme aux procédures juridiques stipulées dans la Constitution. Les 3,2 millions de signatures présentées par l’opposition ont été récoltées avant le début légal du processus révocatoire, donc avant le 19 août. De plus, le nouveau CNE a décelé des irrégularités dans le format de présentation des formulaires de pétition.

Il n’en manquait pas plus pour que les partisans du gouvernement célèbrent cette décision historique, mais non définitive, du CNE. Non loin des réjouissances et avec un ton beaucoup moins fêtard, l’opposition organise déjà sa riposte.

Repartir à zéro

À trois ans de la fin du mandat du gouvernement en place, l’opposition a donc une fois de plus repris les mobilisations afin de réduire autant que possible le séjour du président Chavez au palais de Miraflores. La Coalition démocratique a lancé une convocation nationale afin de recueillir de nouvelles signatures, dès le début octobre.

Selon Edgardo Lander, il est fort difficile de prévoir les résultats d’un éventuel référendum. On ne peut se fier aux sondages sur la popularité de Chavez, puisque ceux-ci sont « manipulés par les médias qui ont, depuis longtemps, perdu toute objectivité pour se convertir à la propagande, au service des partis politiques traditionnels ». Sondage ou non, le résultat final pourrait être difficile à manipuler, le jour du référendum. Si référendum il y a.

Olik Valera, journal Alternatives

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