Entrevue avec l’auteur et cinéaste Michel Régnier

Chemin de vie vers l’utopie

vendredi 1er novembre 2002, par Francois LAFLAMME

Le train pour l’Utopia est le titre du dernier livre de Michel Régnier, qui a tourné une centaine de documentaires à travers le monde. Il décrit bien le chemin de vie qu’il s’est donné, soit essayer de favoriser une meilleure compréhension entre le Nord et le Sud.

Le train pour l’Utopia, s’attaque à de nombreux thèmes qui lui sont chers dont la barbarie, la corruption, la bureaucratie et la discrimination. Le roman, qui se déroule entre 1950 et 2055, raconte la vie de 10 couples provenant de dix pays. Ils se rencontrent dans un nouveau pays nommé la Nouvelle République d’Utopia, créé par un diplomate colombien. Un pays fondé, comme le mentionne le livre, sur une « soif de tolérance et de générosité ». Ce livre représente sept ans d’écriture et une vie de réflexions sur l’humanité et l’espoir d’un monde meilleur.

La réflexion est au cœur de l’œuvre de Michel Régnier. Selon lui, trois choses font que la planète ne tourne pas rond : l’égoïsme, l’ignorance et la lâcheté. Il se demande « pourquoi un Canadien ça lui prend sa piscine et trois cent litres d’eau par jour alors qu’un Mozambicain se contente d’un millilitre d’eau ? ». Michel Régnier croit que l’égoïsme est plus vicieux que l’ignorance puisque « les égoïstes sont conscients tandis que les ignorants non ». Pour ce qui est de la lâcheté, il blâme les médias. « Je suis tanné ! Tous les jours, s’il y a un Palestinien qui est tué, il y a une grande colonne, tandis que tous les jours il y a un millier de personnes tuées par les Chinois. On n’en parle pas. » La baisse de la rigueur journalistique préoccupe le cinéaste.

Les documentaires qu’il a réalisés sont frappants. On ne peut rester indifférent en regardant Sucre noir (sur l’exploitation des Haïtiens en République dominicaine), Thân, dans la guerre invisible (les mines au Cambodge) ou Elles s’appellent toutes Sarajevo. Les silences nous interpellent autant que les paroles. « Quand il y a un silence c’est très beau. Là où il ne se passe rien c’est le plus important », souligne-t-il. « Moi j’aime le cinéma où on prend le temps de voir les choses. Les gens pensent que la qualité c’est de couper et de faire des plans d’une demie seconde. » Cela représente chez Régnier la voie de la facilité. « N’importe quel étudiant de 15 ans est capable de faire ça. » Sa quête est plutôt celle de la simplicité. « C’est ce qu’il y a de plus difficile à faire. Une vie ne suffit pas », explique-t-il.

La plupart de ses films ont été faits à l’Office national du film (ONF). « J’étais le mouton noir à l’ONF. Mes derniers films me coûtaient 200 000 dollars alors que la moyenne c’était 600 000 parce qu’au lieu de mettre l’argent dans les effets spéciaux et des bebelles de festivalier, je mettais l’argent dans les déplacements et la recherche. Mais ça, les gens ça ne les intéresse pas », maintient-il. Cette économie des ressources lui a souvent été reprochée par ses collègues.

On sent une désolation lorsqu’on discute de l’ONF et de son déclin. « L’ONF n’existe plus, c’est l’Office nationale de la frime ». Selon lui, « c’est l’abus des cinéastes autant que le gouvernement qui a tué l’ONF. »

Malgré tout, Michel Régnier persiste et signe. Il écrit sans relâche même si la critique ignore ou se désintéresse de ses livres. Il garde cette passion de raconter la vie des gens simples qu’il a rencontrés tout au long de ses tournages Comme le dit l’un de ses personnages de l’Utopia, « l’essentiel est d’avoir une passion qui s’accorde aux besoins collectifs ». Un autre livre doit sortir en librairie sous peu.

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