La guerre et ses suites
À la suite des attentats de New York et de Washington, l’administration Bush a entrepris une guerre qui a été endossée par les pays occidentaux comme le Canada, de même que par l’ONU. Pour sûr, les Etats-Unis voulaient se venger de l’« humiliation » du 11 septembre et prouver à la face du monde qu’ils ne laisseraient pas intimider. Pour sûr, ils tenaient à capturer le Mollah Omar et Bin Laden et démanteler Al-Qaïda. Mais comme l’a dit le Président Bush lui-même, le 11 septembre était également une « opportunité », pour déployer la stratégie géopolitique connue sous le nom du « New American Century Project ». En gros, cette proposition vise à mettre en place un dispositif politique et militaire assurant la domination américaine sur le monde, en particulier sur certaines zones stratégiques comme le Moyen-Orient et l’Asie centrale. L’intervention en Afghanistan (et la préparation de ce qui devait devenir l’invasion de l’Irak quelques mois plus tard) se sont donc inscrites dans une perspective plus vaste. Mais au bout de la ligne, le Canada et l’Union européenne ont accepté d’appuyer Washington, selon la théorie « officielle », soit la nécessité de renverser un régime hors-la-loi et de rétablir la paix et la démocratie dans ce pays. Plus tard, le régime Taliban s’est écroulé. Puis, la guerre s’est étiolée dans les régions frontalières. Un petit contingent militaire multinational, ISAF, a été mandaté par l’ONU pour préserver l’ordre dans le pays et préparer une transition vers la démocratie. Un gouvernement intérimaire et un président intérimaire (Hamid Karzai) ont été nommés.
Une situation pleine de dangers
Sur le plan militaire, la situation actuelle demeure chaotique. De grandes zones du pays sont en guerre et les talibans ont regagné de l’influence et profitent du fait que Les États-Unis s’opposent à l’élargissement du contingent multinational (Bush veut avoir les mains libres pour pourchasser Ben Laden). Mais les talibans ne sont pas le seul problème. Les seigneurs de la guerre, y compris ceux qui ont appuyé les États-Unis durant la guerre sont responsables du chaos et des violations de droits, en particulier contre les femmes. Ils se sont constitués un « État dans l’État » grâce aux recettes tirées du trafic d’opium. Ils bénéficient de l’impunité totale par rapport aux crimes qu’ils ont commis avant, pendant et depuis la dernière guerre de 2001.
Entre-temps, les conditions ne sont pas mûres pour des élections réellement démocratiques telles qu’annoncées pour l’automne 2004. Au contraire, l’exercice risque de conforter le pouvoir des seigneurs de la guerres qui contrôlent leurs fiefs et de marginaliser les forces démocratiques. Des organisations afghanes luttent à la base pour réclamer des droits, mais elles ont des difficultés énormes dans un espace politique contraint.
En ce qui concerne la reconstruction du pays, la situation n’est pas très encourageante. Une conférence internationale convoquée au printemps 2003 à Berlin a accepté la perspective très étroite de la Banque mondiale. Selon une coalition d’ONG (Alternatives, Novib et Christian Aid), « la Banque mondiale voudrait que l’État afghan se limite à des fonctions de régulation et laisse le développement du pays au « libre marché ». Mais en réalité expliquent les ONG, le « marché est contrôlé en Afghanistan par de puissants clans qui n’ont d’autre souci que d’empocher tous les bénéfices ». Pendant ce temps, une grande partie de la population continue de vivre dans la misère, surtout dans les régions rurales où la seule façon de s’en sortir est de s’enrôler dans les milices des seigneurs de guerre ou de cultiver de l’opium. Très peu d’aide concrète parvient aux gens pour leurs besoins essentiels (santé, alimentation, éducation, etc.).
Ce que le Canada peut faire
Le Canada s’est investi en Afghanistan qu’il avait ignoré presque totalement avant l’intervention militaire de 2001. Le contingent militaire canadien joue un rôle important dans l’ISAF. L’Agence canadienne de développement international a mis de côté 250 millions de dollars pour la reconstruction du pays. Si la bonne volonté y est, il manque cependant des éléments qui pourraient inscrire cette intervention dans une stratégie canadienne de construction de la paix et de lutte pour la démocratisation.