C’est au début des années 1980 que Catherine Potter découvre l’Inde et sa musique. Depuis, elle n’a de cesse d’y retourner se ressourcer et se perfectionner auprès de son maître Hari Prassad Chaurasia. Dans la vingtaine, celle qui jouait alors de la flûte traversière est partie pour trois ans en Asie, où elle a notamment enseigné l’anglais pendant six mois à Taïwan. Mais c’est l’Inde qui la marquera à jamais d’un sceau indélébile : « L’Inde, c’est spécial, c’est très touchant. Le peuple indien est très attachant. Le côté émotionnel est très présent. On ne peut pas demeurer indifférent. » Bombay, où elle retourne aussi souvent qu’elle le peut, est son « deuxième chez moi ».
Hari Prasad Chaurasia, dont la musicienne se déclare la disciple inconditionnelle, est considéré comme le plus grand flûtiste indien. « Ce n’est pas donné à tout le monde [d’avoir la chance d’étudier avec un tel musicien] », insiste Catherine Potter qui ajoute : « Je me suis sentie prédestinée. » Au total, mis bout à bout, ses séjours auprès de son maître équivalent à plusieurs années d’étude à perfectionner la technique et l’esthétique de la flûte indienne, un modeste bout de bambou percé de six trous et d’une embouchure, qui se nomme « bansouri ». Aujourd’hui, la musicienne est une spécialiste de la musique classique indienne, et plus précisément du nord de l’Inde, marquée par l’influence de la musique perse.
Cela donnera certainement une couleur toute particulière au concert intitulé Alchimie, Palestine, Québec, que la flûtiste donnera dans le cadre du FMA, le 9 novembre, en compagnie de Simon Shahenn. Ce célèbre joueur de oud palestinien, Catherine Potter ne l’a encore jamais rencontré. C’est de façon virtuelle que les deux artistes ont travaillé à la préparation du récital, échangeant leurs compositions.
L’idée de ce mélange, de cet amalgame, de cette alchimie, est venue des organisateurs du Festival et du gérant de Catherine Potter. Celle-ci trouve « intéressant qu’on la mette avec un musicien, homme, arabe. C’est un peu un challenge. Cela envoie un bon message. L’idée est intéressante en soi. » Ce qui l’amène à parler du FMA pour lequel elle n’a que de bons mots : « C’est pour ça que je trouve que ce festival est vraiment bien. Il fait réfléchir et remet en question beaucoup d’idées reçues. » Elle en veut pour preuve la troupe turque Armelit, composée d’hommes danseurs du ventre, invitée cette année à se produire pour la première fois au Québec. « Le FMA est très ouvert aux autres cultures, et même assez osé côté orientations sexuelles. »
La compositeure et flûtiste qui, au fil des ans, s’est taillé une grande réputation sur la scène des musiques du monde au Canada et aux États-Unis, déplore le peu de femmes musiciennes dans les diverses formations, de quelque genre soient-elles. Et du côté de la musique arabe et orientale, la situation apparaît encore pire. À ce compte, la thématique du harem apparaît à l’artiste comme une bonne opportunité : « Nous les femmes, on a plus de chance d’avoir une présence », dit-elle avec un léger sourire en coin. « La musique c’est beaucoup un monde d’hommes, ça a été difficile pour moi en Inde. Mais j’ai obtenu beaucoup de support de la communauté [indienne] ici à Montréal. »
Mais Catherine Potter n’en est pas à un défi près. Les projets innovateurs se suivent et ne se ressemblent pas chez cette artiste hors du commun. Après avoir sorti son premier CD intitulé simplement, Bansuri, en 1997, elle fonde en 2000 l’ensemble Duniya Project où musique du monde, harmonies jazzées, quelques teintes de blues et sonorités plus contemporaines se mélangent et s’amalgament. Encore une fois, c’est l’alchimie assurée. L’ensemble qu’elle dirige, composé de Ravi Naimpally à la tabla, de John Growski à la guitare, de Thom Gossage à la batterie et de Nicolas Caloia sortira son premier CD, éponyme, en janvier 2006. Duniya, en langue arabe comme dans plusieurs autres langues asiatiques ou africaines, signifie monde ou univers...