En février dernier, Amnistie internationale Canada publiait un rapport intitulé : Les droits humains au Canada en 2010 - Il est temps de reprendre le leadership. Le rapport concluait à la nécessiter de créer un processus indépendant et non partisan pour examiner les questions relatives à la diminution des possibilités de contestation en matière de droits humains au Canada. Nous reproduisons ici un extrait du chapitre du rapport d’A.I. qui porte sur les conséquences, au Canada, du positionnement du gouvernement canadien.
Aucun débat international sur les droits humains n’est plus intense que celui concernant Israël, l’Autorité palestinienne et les Territoires occupés. Ce débat, devenu rapidement polarisé, a perdu de vue l’importance des questions relatives aux droits humains qui en dépendent. Cet égarement, amorcé il a longtemps avec la Commission des droits de l’homme des Nations-Unies, se poursuit avec le Conseil des droits de l’homme (qui a remplacé la Commission en 2006). Traditionnellement, le Canada a opté pour une approche circonspecte dans ce débat, votant tantôt contre les résolutions, tantôt pour, optant souvent pour l’abstention, expliquant son vote de façon prudente, en s’appuyant sur des principes.
Plus récemment cependant, le Canada vote constamment contre les résolutions onusiennes qui sont essentielles à la cause des droits humains dans l’État d’Israël. Alors qu’avant les autres pays voyaient le Canada comme le pays qui pouvait réduire l’écart quant aux résolutions relatives à Israël, la plupart croient aujourd’hui qu’il est vain de s’engager avec le Canada, puisque ce dernier semble bien campé sur sa position de soutien sans réserve à Israël. Par exemple, en janvier 2009, le Canada fut le seul des 47 pays membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à voter contre la résolution condamnant les violations des droits humains qui se sont produites dans le contexte de l’offensive militaire d’Israël à Gaza l’an dernier. De proches alliés du Canada, incluant le Royaume-Uni et le Japon, ont plutôt choisi de s’abstenir de voter. En novembre 2009, à l’Assemblée générale des Nations Unies, seulement 18 pays, dont le Canada, ont voté contre une résolution appuyant les résultats d’une enquête commandée par le Conseil des droits de l’homme et réalisée par Richard Goldstone, un réputé juriste sud-africain. La résolution de l’Assemblée sommait les autorités israéliennes et palestiniennes de mener des enquêtes indépendantes crédibles sur des allégations de graves violations du droit international humanitaire et du droit international en matière de droits humains.
Plusieurs autres controverses et événements augmentent le risque de voir la position politique du Canada quant à Israël porter atteinte à sa réputation de défenseur des droits humains. C’est entre autres de cas de l’une opération militaire israélienne au sud du Liban à l’été 2006, qui se solda par la mort de plus de mille civils, qualifiée par le premier ministre Harper de réponse « raisonnable » aux attaques de missile du Hezbollah dans le nord d’Israël.
Puis, il y eut une série de compressions budgétaires dans les organisations canadiennes oeuvrant pour les droits humains et collaborant avec des groupes en Israël, sous l’Autorité palestinienne et dans les Territoires occupés ou qui les appuyaient financièrement, notamment la coalition d’Églises KAIROS et l’organisme de développement Alternatives.
Ensuite, Droits et Démocratie, une agence indépendante respectée établie par le Parlement il y a plus de vingt ans pour promouvoir les droits humains internationaux et le développement démocratique, s’est retrouvée au coeur d’une vive controverse qui semble avoir été causée, du moins en partie, par une polémique concernant des subventions accordées à des groupes de droits humains palestiniens et israéliens renommés. La controverse faisait suite à la nomination au conseil d’administration de Droits et Démocratie par le gouvernement de 5 personnes partageant sa position, celle de s’abstenir de critiquer Israël au chapitre des droits humains.
Au même moment, le gouvernement annonçait qu’il « redirigeait » le soutien financier traditionnellement accordé à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés (UNRWA) de Palestine dans le Proche-Orient. Pour la première fois, le Canada ne participera pas au financement de base de l’UNRWA et, conséquemment, ne contribuera pas à l’important programme d’éducation primaire offert aux enfants-réfugiés palestiniens à Gaza et en Cisjordanie.
Ces récentes décisions et les pratiques de votation du Canada ont pour effet qu’il est désormais perçu comme un pays partisan quant aux questions de droits humains dans cette région. La capacité du Canada à jouer le rôle d’un intermédiaire impartial lors de ces épineux débats s’en trouve compromise. De façon générale, la réputation du Canada en tant que leader des principes des droits humains s’est considérablement affaiblie, ce qui est de mauvais augure, bien au-delà des questions relatives à Israël.