Bloc, NPD, unissez-vous !

vendredi 2 juillet 2004, par Judy REBICK

Au Canada anglais, la population doit en avoir marre de choisir le « moins pire ». Conservateurs ou libéraux. Pourtant le Nouveau parti démocratique (NPD) de Jack Layton représentait une réelle alternative, tant en matière de politiques que de possibilités de renouveler la démocratie. Mais ayant dû faire face à l’hostilité des médias corporatifs, traînant un lourd bagage historique en Colombie-Britannique et en Ontario, et n’ayant aucune chance de faire élire un candidat au Québec, le NPD a une fois de plus été incapable de sortir du carcan qui semble le retenir éternellement sur les bancs de l’opposition.

La peur qu’a suscité les Visigoths conservateurs en a poussé plus d’un à voter libéral afin d’éviter le pire. Et plusieurs, de ceux qui ont voté pour les conservateurs, l’ont fait en se croisant les doigts, espérant qu’au final, Harper ne serait pas aussi terrible que ce que l’on en disait. Ils étaient tellement en colère contre les libéraux, qu’ils étaient prêts à prendre cette chance. Est-ce bien cela la démocratie ?

Cependant, le NPD et le Bloc auraient pu former une alliance et ainsi constituer une réelle alternative à la droite. Mise à part l’importante exception de la souveraineté, le NPD et le Bloc s’entendent sur presque tout. Tous deux sont d’ardents défenseurs des droits des minorités ; tous deux sont opposés à un agenda néolibéral ; tous deux accordent beaucoup d’importance aux questions environnementales ; tous deux sont opposés au Bouclier anti-missiles et tous deux sont en faveur d’un accroissement de l’aide internationale.

L’une des raisons pour lesquelles la droite continue de garder le pouvoir au Canada, c’est la division entre le Québec et le reste du pays. Le NPD n’a jamais percé au Québec, parce qu’en dépit de sa position officielle en faveur du droit à l’autodétermination des Québécois, en pratique il n’a jamais réellement défendu ce droit. Maintenant, avec le succès du Bloc, le NPD doit reconnaître que ses chances de construire une base au Québec sont égales à zéro.

Avec Jack Layton à la tête du NPD, les relations parfois tendues entre les deux partis peuvent changer. Layton est un solide et fervent défenseur du droit des Québécois à l’autodétermination. Et ce, même s’il croit fermement au fédéralisme. C’est pourquoi il appuie l’idée d’un fédéralisme asymétrique. Ce qui signifierait que le Québec pourrait choisir de ne pas participer à certains programmes avec compensation, en reconnaissance
de son statut spécial à l’intérieur de la confédération. Une bonne solution pour le reste du Canada, parce que cela permet le maintien de standards fédéraux et de programmes sociaux forts.

En regardant le résultat des élections et en additionnant le pourcentage de votes accordé
au Bloc et au NPD, il est clair qu’ensemble ces deux partis pourraient constituer une contrepartie réelle à la droite canadienne. Sans doute, le NPD perdrait-il quelques appuis en s’alliant à un parti souverainiste. Mais je crois que cela est de moins en moins vrai
comparativement à la situation d’il y a 10 ans. Plus important encore, le NPD peut devenir un important joueur au Canada anglais s’il avait seulement la chance de gouverner.

D’un autre côté, le Bloc devrait sérieusement envisager l’idée de réellement gouverner le Canada. Les supporters progressistes du Bloc devraient sérieusement considérer
l’importance de construire une gauche forte dont la voix s’exprime à travers tout le Canada en faveur d’enjeux progressistes, spécialement en matière d’affaires étrangères et de construction de la paix dans le monde.

Reste la pierre d’achoppement : la souveraineté. Bien sûr, quelle que soit l’alliance entre le Bloc et le NPD, les deux partis devront s’entendre sur le fait qu’ils ne s’entendent pas sur cette question. Les principales élites canadiennes ont toujours voulu nous faire croire
que c’était impossible. Le Parti québécois devrait-il être réélu, et devrait-il y avoir un autre référendum, de toute évidence cela exercerait quelque pression sur cette alliance. Mais aussi longtemps que le NPD maintiendra que les Québécois ont le droit de décider
de leur avenir et que le Canada négociera en toute bonne foi, advenant que le oui l’emporte, cela peut marcher.

Une alliance du Bloc et du NPD au sein de l’opposition en vue des prochaines élections, pourrait sensiblement changer la politique dans ce pays et finalement donner aux électeurs un véritable choix.


L’auteure est journaliste et éditrice du magazine électronique rabble.ca.

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