Matimekosh – Une vingtaine d’enfants jouent sur le parking de l’aéroport de Schefferville, une réserve innue située à 1 200 kilomètres de Montréal. Leurs parents se tiennent dans la zone d’attente. Tout le village s’est déplacé pour accueillir Shawn A-in-chut Atleo, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations.
C’est un événement de taille pour ce village de six cents habitants se partageant un territoire d’une superficie de 68 hectares. « Le chef national, c’est comme notre premier ministre du Canada », explique Real McKenzie, chef du conseil de bande de Matimekosh. Des représentants de communautés autochtones l’accompagnent. « Tous ensemble, nous allons discuter de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il est important que le Canada collabore avec les Premières Nations pour la mettre en œuvre », souligne-t-il.
Un instrument d’inspiration
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a été adoptée en 2007, malgré l’opposition du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis. Aujourd’hui, l’Australie fait partie des signataires. En mars dernier, le Canada a lui aussi annoncé son intention d’adopter la Déclaration. « Depuis lors, nous n’avons toujours pas d’indications claires sur les conditions et les délais de son adoption et de sa mise en œuvre », indique Karine Gentelet, coordinatrice des droits autochtones pour Amnistie International au Canada francophone.
La Déclaration reconnaît un droit à l’autodétermination aux peuples autochtones. « En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et recherchent librement leur développement économique, social et culturel », prévoit l’article 3.
D’après Amnistie Internationale, le texte est un instrument d’inspiration et une déclaration de principe. Elle reconnaît aussi un droit au développement économique de ces peuples. « Beaucoup de communautés se posent la question de savoir s’ils demeurent "indiens" s’ils se lancent dans un développement économique. Savoir qu’il y a un instrument qui le prévoit peut leur donner la force de trouver les outils de départ », soutient Karine Gentelet.
C’est également l’opinion de Real McKenzie. « Si la souveraineté des peuples autochtones est reconnue, elle peut avoir des répercutions sur notre statut politique, notre territoire et notre développement économique, explique Real McKenzie. C’est cela notre grande bataille. »
Au Canada francophone, Amnistie internationale et d’autres organisations de la société civile autochtones et allochtones se mobilisent pour que la Déclaration entre en vigueur. « Sachant que cette déclaration a été négociée pendant plus de vingt ans et que les fonctionnaires canadiens ont été très impliqués dans ce processus, il est anormal pour un pays comme le Canada de ne pas l’avoir ratifiée. Il n’y a aucun obstacle juridique ou constitutionnel qui entrave sa mise en œuvre. Elle est conforme à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne », termine Karine Gentelet.
Au Canada, les peuples autochtones représentent 3,8% de la population, ce qui équivaut à plus d’un million d’individus.