Au nom de la souveraineté, Jean-Luc Mélenchon s’oppose aux accords de libre échange entre l’Europe et l’Amérique

lundi 2 mai 2016, par Ismail Mestassi

Jean-Luc Mélenchon était de passage au Québec du 20 au 25 avril dernier. Figure emblématique du paysage politique français, député européen, M. Mélenchon est venu au Québec pour en savoir plus sur les enjeux politiques outre Atlantique. Partisan de la souveraineté de la France face à l’Europe de la mondialisation néolibérale, il milite contre les accords de libre-échange entre l’Union européenne et l’Amérique du Nord. Candidat aux élections présidentielles de 2017 en France, les sondages le mettent très près de la candidature de François Hollande.

Si le passage de M. Mélenchon a fait moins de vague que celui de Marine LePen, sa présence au Québec a été signalée dans les médias et il a aussi rencontré le Parti québécois, Québec solidaire et des organisations de la société civile, notamment par le biais du Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC). Le Journal des Alternatives participait à la rencontre et nous voulons revenir ici sur ses positions quant aux accords commerciaux entre l’Union européenne et l’Amérique du Nord.

AECG, CETA, PTCI, TAFTA : de quoi s’agit-il ?
L’accord économique et commercial global (AECG) ou le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) en anglais est un traité conclu en octobre 2013 entre le Canada et l’Union européenne. Le Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (PTCI), appelé de deux façons en anglais, TAFTA - Trans Atlantic Free Trade agreement et TTIP - Transatlantic Trade and Investment Partnership est un projet d’accord toujours en négociation entre les États-Unis et l’UE.
Il s’agit des premiers accords dits de deuxième génération, parce qu’ils visent à réduire, sinon éliminer, les barrières « indirectes » au commerce et à l’investissement, comme les règles et normes de qualité des produits et services, ainsi que leur processus de production, à la différence des tarifs et quotas, considérés comme des barrières « directes ». La discussion s’est intéressée davantage à l’AECG, puisque c’est celui qui touche le Canada. M. Mélenchon n’a pas tellement caché son scepticisme.

Comme à chaque fois, l’accord est présenté comme un remède aux barrières dans le commerce entre les États. Il est décrit comme étant le remède à tous les maux, la solution qui permettra aux populations de vivre plus heureuses. En facilitant les flux économiques des biens et services, ces accords assureraient la prospérité tout en garantissant la protection des investisseurs. Les produits et services pourront circuler de part et d’autre de l’Atlantique, sans aucune restriction douanière. Seule exception, les produits agricoles devront respecter les quotas respectifs des deux parties. Tout va bien.

Alors, contre quoi milite-il ?
Jean-Luc Mélenchon regarde le traité d’un oeil différent. Il estime, tout comme les membres du RQIC, que cet accord présente de nombreux dangers. Tout d’abord, il souligne le manque de transparence lors de la signature de cet accord. En dehors des cercles militants, le grand public français ignore complètement l’existence d’un tel traité. Il accuse la Commission européenne et le gouvernement français de ne pas permettre la consultation du contenu de l’accord.

Ensuite, il s’attaque directement au traité. Le traité prévoie un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États, par le biais des fameux tribunaux privés. Ça représente une réelle menace puisqu’il donne le « monopole du dépôt de la plainte aux investisseurs ». Mélenchon souscrit à la souveraineté des pouvoirs nationaux. Il s’oppose à ce que les investisseurs soient plus importants que les États.
Les décisions qui sont censés passer par un processus démocratique sont court-circuitées. Un seul juge ou arbitre aura le pouvoir de décider si une mesure devrait être prise ou pas. Cette atteinte à la souveraineté des États est une des raisons majeures de sa venue à Montréal. Les politiques gouvernementales devraient être soumises à un processus démocratique plutôt qu’au jugement d’un juge privé.

Il dénonce aussi le fait que l’AECG, l’accord Canada-Europe soit en réalité le cheval de Troie du traité PTCI-TAFTA entre l’Europe et les États-Unis. Il aura pour objectif de renforcer le caractère ultralibéral des rapports commerciaux et d’ouvrir la voie à la approche pour toute l’Amérique du Nord. La prime au plus fort favorisera les investisseurs au détriment du peuple, son salaire, ses avantages sociaux mais aussi l’environnement.

Développer la coopération internationale et affirmer la souveraineté nationale
Comme alternative au libre échange et pour parer aux critiques qui affirment qu’à gauche on ne sait que dire non, M. Mélenchon prône la coopération internationale. Autrement dit, au lieu de célébrer la liberté des lois du marché par la libéralisation des échanges commerciaux, M. Mélenchon suggère que les relations entre les États s’appuient sur des ententes qui respectent la souveraineté et qui répondent aux besoins des populations, au lieu de répondre aux besoins du marché.

En bref, Jean-Luc Mélenchon est un député européen qui s’oppose aux accords commerciaux et demeure, sur ce plan, déterminé à faire de la France un pays souverain, libre de toute contrainte d’accords commerciaux qui heurte la souveraineté des peuples. Ça l’amène non seulement à privilégier les institutions de la France, au détriment de celles de l’Europe, mais surtout à envisager la rupture avec la Cinquième République et au développement d’une nouvelle constitution, par la mise en place d’une assemblée constituante.


Pour en savoir plus sur les orientations de M. Mélenchon comme candidat à la présidence française, nous vous invitons à prendre connaissance de l’assemblée publique de Ricochet à laquelle il a participé avec Francine Pelletier et Gabriel Nadeau-Dubois. La vidéo est toujours disponible sur le site du périodique électronique .

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