Au Burkina Faso, la loi d’interdiction des sacs plastiques passe mal

jeudi 12 septembre 2013, par Jessica Rat

Après la Mauritanie, le Mali et (bientôt) la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso veulent bannir les sacs plastiques. Le ministère de l’Environnement a proposé deux avant-projets de loi : l’un interdisant la production, l’importation et la commercialisation d’emballages en plastique non-biodégradables, et l’autre imposant une taxe sur les produits utilisant le plastique comme moyen de conditionnement. Est-ce la meilleure solution pour lutter contre ce fléau ?

Officiellement proposé le 14 août dernier, le projet de loi portant sur une interdiction des sacs en plastique au Burkina Faso avait été annoncé depuis le mois de juillet. Et, en réalité, Salif Ouédraogo, l’actuel ministre de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD), n’a fait que poursuivre la politique souhaitée par son prédécesseur Jean Coulidiaty sur ce sujet.

Après avoir effectué une opération « Zéro sachet plastique » à Ouagadougou en janvier 2012, ce dernier avait en effet avancé, cinq mois plus tard, deux solutions : l’interdiction de ces sacs ou la taxation du plastique. Soit les deux solutions aujourd’hui proposées par M. Ouédraogo. Et alors qu’il aura fallu plus d’un an au Ministère de l’environnement et du développement durable (MEDD) pour produire ces projets de loi, il y a toujours de quoi se demander s’il s’agit vraiment de la meilleure solution.

« Le Burkina Faso emboîte le pas à maints autres pays africains dans la lutte contre les sacs en plastique », dira-t-on. Or étaient-ils réellement le bon exemple à suivre ? Nul doute que les lois portant sur la taxation des matières plastiques rapportent (beaucoup) aux gouvernements qui les ont mises en place – M. Coulidiaty avait lui-même déclaré en juin 2012 : « Si nous mettons une taxe de 30 francs CFA sur le kilo de sachet plastique, cela nous rapportera près de 180 milliards de francs CFA, et si nous mettons une taxe de 100 francs CFA sur le kilo, cela nous rapportera 600 milliards de francs CFA »… Mais ces lois, et même celles portant sur une interdiction des sacs en plastique, ont-elles effectivement permis d’enrayer le fléau des sachets noirs ? Si cela ne semble pas être le cas, c’est que bien souvent malheureusement les mesures d’interdiction ne sont pas réellement appliquées.

Les sachets « biodégradables », loin d’être la solution miracle

Pire, si elles le sont, l’interdiction ne fait généralement que laisser place aux sacs dits « biodégradables » – c’est en tout cas ce que le projet de loi burkinabè suggère en voulant interdire « les sacs et emballages plastique non-biodégradables ». Or ceux-là, pour la grande majorité, ne changent (presque) pas la donne. Car « biodégradable » ne signifie pas nécessairement « organique ». Donc, contrairement à ce que le fameux préfixe « bio » – utilisé à tout-va de nos jours – suggère, un sac plastique « biodégradable » n’est généralement pas produit à partir de plantes ou autres matières organiques, mais bien de polyéthylène (généralement d’origine pétrolière), comme tout autre sac plastique.

Ce n’est qu’un additif qui le différencie du reste : souvent chimique, il permet lui aussi une dégradation par oxydation. Et bien qu’elle soit plus rapide, certes, que le processus normal de dégradation d’un sachet plastique « non-biodégradable » – qui prend pour sa part plusieurs centaines d’années – on a tendance à oublier que cela ne se fera pas non plus en l’espace de quelques jours seulement...

Ce sont effectivement encore quelques années qu’il faut réellement au sac plastique « biodégradable » pour se désintégrer totalement, lui laissant ainsi tout le temps de nuire (presque) autant à l’environnement qu’un autre. Car combien de sachets, en l’espace ne serait-ce que d’un an, peuvent bloquer les systèmes d’évacuation des eaux, et ainsi augmenter les risques d’inondations ? Combien peuvent être sources d’eau stagnantes, soit le paradis des moustiques, et ainsi participer à la prolifération de ces vecteurs du paludisme ? Et combien seront encore ingérés par les bovins, continuant ainsi d’engendrer la mort de pas moins de 30% du bétail burkinabè ?

Tout laisse à penser, en effet, qu’une loi interdisant seulement les sacs (et autres emballages) en plastique « non-biodégradables » ne permettrait pas de mettre fin au fléau. Au contraire d’ailleurs, sachant que l’utilisation même du terme « biodégradable » tend souvent à renforcer l’idée que l’on peut jeter ces déchets n’importe où…

D’autres alternatives à l’interdiction ?

Alors, faut-il implémenter une interdiction stricte de tout emballage plastique ? Ce serait l’idéal, nul doute, mais le moins probable en terme de faisabilité – il n’y a qu’à penser à tous ces sachets que l’on utilise au quotidien, pas seulement les sacs de commerce mais aussi les sachets d’eau, ceux qui contiennent le sucre, le sel et autres condiments, ceux qui recouvrent les paquets de thé ou même de lotus, ceux que l’on défait lorsqu’on déballe un nouvel appareil ménager ou électronique, etc.

Néanmoins, avant de changer les normes d’emballage (internationales), il est déjà une pratique simple pour limiter les méfaits du fléau plastique sur notre environnement : promouvoir l’utilisation de sacs organiques, surtout réutilisables, de paniers ou de cabas, pour au moins restreindre l’usage des sachets en plastique dans le commerce.

En outre, pour les sacs et autres emballages plastique que l’on se voit « forcés » d’utiliser, la meilleure solution (entre-temps) n’est-elle pas simplement de ne plus abandonner ces déchets dans le paysage ? Il serait là facile de s’en prendre uniquement à la responsabilité d’un tout à chacun. Or, plutôt que de contourner le problème avec des mesures, voulues grandes mais qui n’auront probablement que très peu d’impact, ne vaut-il pas mieux s’attaquer à sa source – à savoir la gestion des déchets ?


Voir en ligne : http://www.reporterre.net/spip.php?...


Jessica Rat (Le Faso.net)

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