Billet

Attention, papa est fâché...

jeudi 29 mai 2008, par Francis Dupuis-Déri

Deux groupes de pères séparés et divorcés, L’après rupture et Fathers 4 Justice, se sont mobilisés il y a peu contre la campagne Brisons le silence (www.brisonslesilence.com), lancée par le gouvernement du Québec. Cette campagne vise à sensibiliser la population au problème des agressions sexuelles et à faire connaître des services d’aide, dont les Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) et Tel-jeunes. Un observateur naïf aurait pu croire que des groupes de pères seraient très heureux d’une telle campagne qui vise à protéger nos enfants, nos soeurs et nos amies. Eh non !...

Un membre de Fathers 4 Justice a déposé une demande d’injonction en Cour supérieure du Québec, pour faire « cesser immédiatement toute la publicité de cette campagne ». Selon lui, elle porterait « atteinte à la dignité », à « l’honneur » et à la « réputation » des hommes en tant qu’hommes... Heureusement, le juge l’a débouté, rappelant d’ailleurs dans son jugement que « presque la totalité (97 %) des auteurs présumés d’infractions sexuelles identifiés en 2006 était de sexe masculin ». Il ajoutait qu’il « n’est ni mensonger ni discriminatoire qu’une campagne de sensibilisation à ce sujet vise principalement les hommes », et « que la campagne de sensibilisation aux agressions sexuelles, en plus de répondre à un problème réel et urgent dans notre société, est une campagne d’intérêt public ». Il aurait pu ajouter que le militant du groupe de pères avait un bien curieux sens des priorités. Il se préoccupe en effet plus sérieusement de « la dignité », de « l’honneur » et de la « réputation » des hommes prétendument bafoués que des agressions sexuelles qui, accessoirement, portent réellement « atteinte à la dignité », à « l’honneur » et à la « réputation » des victimes...

Le groupe L’après rupture, de son côté, a dépêché dans les médias son « directeur à la recherche » pour dénoncer cette campagne orchestrée par « le lobby féministe ». Ce directeur était fier d’expliquer les manœuvres administratives effectuées par son groupe pour obtenir des informations sur des maisons d’hébergement pour femmes violentées, laissant entendre qu’elles siphonnaient des centaines de millions de dollars en pure perte. Procéder à du harcèlement administratif me semble, une fois de plus, indiquer un curieux sens des priorités pour un groupe de pères séparés et divorcés... Un groupe cherche à faire cesser une campagne de prévention contre les agressions sexuelles, l’autre à réduire les budgets des refuges pour femmes violentées... N’éprouvez-vous pas comme un malaise face à ces représentants de pères qui poursuivent de tels objectifs ?

Devant une violence qui touche principalement des enfants des deux sexes et des adolescentes, un observateur naïf aurait pu croire que les groupes de pères se mobiliseraient pour exiger des pères qu’ils ne commettent pas d’agression. Des groupes de pères pourraient aussi s’engager à éduquer leurs fils à traiter les femmes avec respect, à expliquer à leurs enfants comment se protéger des agressions et à leur indiquer à qui demander de l’aide en cas de drame. Ces groupes de pères pourraient enfin se mobiliser pour que les enfants victimes d’agressions retrouvent leur honneur, leur dignité et leur réputation nécessairement minés par une agression. Eh non !... L’attitude de ces groupes de pères face à cette campagne est révoltante.

Pourquoi diable accordent-ils plus d’importance à leur honneur d’homme prétendument égratigné qu’à la prévention de la violence sexuelle ? Avec de tels groupes qui se mobilisent pour freiner les efforts de prévention des agressions sexuelles et discréditer les réseaux d’aide aux victimes, les agresseurs n’ont même plus besoin de se former en lobby...

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