Après l’Irak, la Palestine à l’ordre du jour

lundi 28 avril 2003, par Michel WARSCHAWSKI

Le président américain a promis, une fois la guerre en Irak terminée et sa reconstruction amorcée, qu’il s’attaquera au conflit israélo-palestinien. La « feuille de route » sur le Proche-Orient, ce plan en trois étapes qui prévoit notamment la création d’un État palestinien indépendant d’ici 2005, doit servir d’appât pour calmer le profond sentiment d’injustice des Arabes vis-à-vis l’impunité dont jouit Israël, qui viole systématiquement les résolutions des Nations unies concernant le contentieux israélo-palestinien.

Élaborée par le Quartette (États-Unis, Russie, Nations unies, Union européenne), cette « feuille de route » a exigé plusieurs concessions de la part des Palestiniens avant même qu’elle ne soit publiée. La dernière version, rendue publique en décembre 2002, propose un vague calendrier pour la mise en place d’un processus de négociations supposé mener à la création d’un État palestinien provisoire (sic) sur moins de 50 % des Territoires occupés, soit moins de 20 % de ce que les Nations unies avait alloué à l’État arabe de Palestine dans la résolution de 1947. La « feuille de route » n’exige pas le démantèlement des colonies (si ce n’est que quelques postes avancés créés au cours des trois dernières années, en général à l’initiative de colons individuels) et laisse à Israël un droit de veto sur à peu près tous les sujets.

Et pourtant, le gouvernement Sharon a d’ores et déjà rejeté cette « feuille de route », ou plutôt l’a acceptée en y ajoutant 100 amendements, dont le but est d’en faire un plan de mise en place de bantoustans totalement contrôlés par Israël et gérés par des milices nommées par le gouvernement israélien et la CIA.
Le sort de cette nouvelle initiative diplomatique américano-européenne sera vraisemblablement le même que celui des précédentes, qui ont toutes échouées par refus des acteurs internationaux d’imposer à Israël non pas les résolutions des Nations unies, mais toute forme de remise en question de l’occupation et de la colonisation. Pour obtenir ne serait-ce que le gel de la colonisation, ce qui avait été exigé dans le plan Mitchell de 2000 et le plan Tennet de 2001, il aurait été nécessaire de faire pression sur Israël, ce que même Bill Clinton n’a jamais été prêt à faire, alors qu’il n’avait devant lui qu’un gouvernement travailliste, donc beaucoup plus modéré que celui d’Ariel Sharon.

Ce gouvernement, le plus à droite qu’ait connu Israël de toute son histoire, est totalement identifié à l’idéologie du Grand Israël et aux colons les plus extrémistes. Cette politique exclut toute concession aux Palestiniens en termes de souveraineté, la perspective binationale étant hors de question. La guerre contre l’Irak devait, pour certains des ministres actuels, fournir l’occasion pour une tentative d’expulsion massive de Palestiniens, et ces derniers s’y sont préparés au cours des derniers mois, craignant que les partis qui ont le « transfert » pour programme électoral ne tentent de le mettre en œuvre. Il semble que Georges W. Bush ait, cette fois, fortement conseillé à Ariel Sharon de se retenir, et d’attendre une autre occasion, moins gênante pour les États-Unis.
Impasse à répétition

Repousser le transfert, c’est une chose, accepter ne serait-ce que la « feuille de route » du Quartette en est une autre. Uzi Landau, un des dirigeants du Likoud et ministre dans le gouvernement Sharon chargé des relations stratégiques avec les États-Unis, a écrit : « Si l’on accepte la feuille de route du Quartette, ce sera, pour Yasser Arafat, la plus grande victoire de sa vie […] Pendant la première année du précédent gouvernement d’union nationale, Israël a fait attention à ne pas tout faire pour écraser les organisations terroristes en Judée et Samarie, à ne pas détruire complètement l’Autorité palestinienne et à ne pas expulser Yasser Arafat […] Tout cela pour éloigner le risque d’une internationalisation du conflit, avec l’envoi d’observateurs étrangers et celui de conférences internationales qui nous retireraient la possibilité de gérer souverainement le conflit. Or, c’est précisément ce que va faire la feuille de route : l’internationalisation sous la direction du Quartette…. Ce n’est pas une recette de paix mais de catastrophe nationale. Si Israël veut vivre, elle doit dire clairement et le plus rapidement possible que cette feuille de route, sans des changements substantiels, est totalement inacceptable. » (Haaretz, 8 avril 2003).

À tous ceux qui croient que l’agression contre l’Irak va engendrer des bénéfices pour les Palestiniens, ou au moins, une baisse dans la violence…


Michel Warschawski, correspondant à Jérusalem, journal Alternatives

L’auteur, Israélien, est journaliste et
militant pour la paix en Israël et en Palestine.

Photo : La population palestienienne vit toujours dans l’attente de la création d’un État palestinien. Selon la nouvelle « feuillle de route », qui devrait être publiée après la formation du nouveau gouvernement palestinien, cet État est prévu pour 2005.

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