Aux États-Unis, la majorité de la population veut en finir avec les politiques de George W. Bush. Pour cela Barak Obama a gagné les primaires démocrates, car il a dit et redit, contrairement à Hillary Clinton, qu’il fallait tout changer. En plus, le sénateur de l’Illinois a touché juste en parlant du peuple et de la nation états-unienne qui existe, dit-il, au-delà des clivages racistes qui le fracturent depuis toujours.
Entre-temps, les républicains disposent d’une gigantesque machine prête à tout, y compris à organiser une fraude de grande envergure (comme en 2000). Par ailleurs, le sénateur John McCain est bien appuyé par un pan entier de l’establishment qu’on identifie au complexe industrialo-militaire et énergétique. Plus encore, les républicains ont une base parmi une partie des classes populaires et moyennes, disloquées par des années de politiques néolibérales, et « rééduquées » sous l’égide des puissants réseaux chrétiens fondamentalistes qui leur disent que leurs malheurs viennent des athées, des musulmans, des féministes.
Mais rien n’est joué d’avance, car les dominants sont divisés. La « guerre sans fin » et la restructuration de la société états-unienne n’ont pas donné de bons résultats. Plusieurs personnes, y compris à Wall Street, pensent que l’Empire est sur la brèche. Récemment de passage à Montréal, l’ex-secrétaire d’État Henry Kissinger affirmait son angoisse devant les dilemmes actuels. « Il faut refaire un consensus en assurant la stabilité du monde sur la base du leadership américain. » En fait, Kissinger et Obama veulent sécuriser le Moyen-Orient, cœur énergétique du monde, en « irakisant » ou en « afghanisant » la guerre. Ils veulent aussi ramener les alliés européens, de même que les Russes et les Chinois, à une sorte de cogestion de la crise, sans remettre en place le système multilatéral qui prévalait avant l’effondrement de l’Union soviétique.
Cette restabilisation ne peut se faire si on ne répare pas les dégâts intérieurs. Et sur ce plan, ça va mal. Le nombre de chômeurs et de sans-maison (dans le sillon de la crise des « subprimes ») atteint des sommets inégalés. Cinquante millions d’Américains n’ont pas d’assurance-maladie. La crise de la Nouvelle-Orléans sert de toile de fond à une gigantesque opération de « purification » raciale et sociale. Le défi est donc immense. Or, les États-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années 1930 alors que les dominants avaient par nécessité (pas par vertu) fait des concessions aux classes populaires pour sauver le capitalisme. Aujourd’hui au contraire, les dominés dans les pays riches n’ont plus le poids qu’ils avaient. Les patrons de General Motors le savent, le disent et agissent en conséquence. Les ouvriers de Détroit et d’Oshawa sont une race en voie d’extinction, parce que pour enrichir ses actionnaires, GM peut et doit aller ailleurs. Cela place les idées de changement d’Obama dans un flou terrible, car que peut-il faire réellement ?
En mai 2006, des centaines de milliers d’immigrants légaux et illégaux sont sortis dans les grandes villes états-uniennes contre un système qui les criminalise et les surexploite. À l’autre bout du spectre, les jeunes blancs ne veulent plus continuer dans la guerre. Certes, les dominés sont interpellés. Empêcher McCain de continuer les politiques de Bush est une priorité. Mais comment éviter de passer du « très pire » au « moins pire » ?! Est-ce que les dominés peuvent faire en sorte qu’Obama soit autre chose que la nouvelle figure de la domination impériale et néolibérale ? Il y a présentement aux États-Unis de gros débats sur cette question. En passant, cela ne vous fait pas penser à quelque chose ?! Ne sommes-nous pas coincés entre une droite agressive qui ne cesse de nous faire sombrer dans le modèle états-unien et une opposition qui affirme haut et fort qu’il faut accepter le néolibéralisme et l’hégémonie états-unienne ?! Comme le dit l’expression bien connue, comment éviter de changer « quatre trente sous pour une piastre » ?