Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), « la stagnation ou le déclin économique a affecté 100 pays, réduisant les revenus de 1,6 milliard d’individus » depuis 1980. Pour 70 de ces pays, le revenu moyen était inférieur au milieu des années 90, à celui qui prévalait dans les années 80. Pour la même période, le revenu moyen était même plus bas que celui de 1970 dans 43 cas.
Même selon le Rapport annuel d’efficacité du développement, produit par la Banque mondiale, « le taux de pauvreté a augmenté. Le nombre d’individus vivant avec moins de 1 dollar US par jour est passé de 1 197 millions en 1987 à 1 214 millions en 1997. Il y a 100 millions d’individus plus pauvres dans les pays en développement qu’il y a 10 ans, exception faite de la Chine. »
Quelle différence la Banque mondiale a-t-elle faite en matière de développement au cours des dernières années ? L’institution internationale affirme que ses projets ont connu un taux de réussite estimé entre 64 et 72 % (selon les chiffres de 1991). Mais une partie des raisons qui expliquent ce taux élevé de réussite est directement relié au processus d’évaluation de ses programmes.
Dans l’évaluation des impacts de ses projets, la Banque mondiale accorde très peu d’importance (5 %) aux possibilités de maintenir des résultats positifs à long terme. C’est une omission sérieuse, considérant le fait que les vérifications internes de la Banque ont révélé que 51 % des programmes de développement en 1998 et 1999 n’étaient pas viables à long terme, une situation qui est semblable pour l’ensemble de la dernière décennie. Ce taux d’échec est encore plus élevé dans les pays les plus pauvres et dans les secteurs de développement les plus critiques.
Sous la présidence de James D. Wolfensohn, la très basse performance de la Banque mondiale sur le plan social et environnemental a chuté davantage, selon les chiffres produits par la Banque elle-même. Ces données sont particulièrement significatives, puisque si un projet n’engendre pas de bénéfices à long terme, le fardeau de la dette contractée envers la Banque mondiale alourdit davantage l’économie des pays pauvres. Du point de vue de l’emprunteur, la Banque vient ainsi aggraver ses problèmes plutôt que les alléger.
Appui au secteur privé
Depuis qu’il est à la tête de la Banque mondiale (1995), Wolfensohn a aussi renforcé l’appui aux grandes entreprises. Encore plus d’argent est consacré à garantir les investissements du secteur privé, plutôt que de prêter directement aux gouvernements. Plusieurs groupes environnementaux et agences de développement remettent en question l’importance croissante accordée au secteur privé, un investissement ayant peu d’impact sur l’amélioration de la qualité de vie des plus démunis. En 1998, par exemple, 48 % du budget de l’Agence d’investissement multilatérale de la Banque mondiale a servi à subventionner l’expansion de grandes banques occidentales dans les pays en voie de développement.
Comment ces projets contribuent-ils à la réduction de la pauvreté ou à la protection de l’environnement ? La Banque affirme que l’appui aux investissements du secteur privé permet aux gouvernements de consacrer plus de ressources aux services sociaux et à la protection de l’environnement. Mais en pratique, c’est rarement le cas : dans plusieurs pays où elle a encouragé la privatisation et le développement du secteur privé, les gouvernements ont en fait sabré dans les dépenses publiques depuis l’introduction des fameux Programmes d’ajustement structurel (PAS) des institutions de Bretton Woods. Au Mexique, où les politiques de restructuration néolibérales des PAS ont été appliquées à la lettre depuis le début des années 80, le niveau de vie de plus de la moitié de sa population était plus bas en 1996 qu’en 1980.
L’amélioration des conditions de vie promise avec la participation croissante du secteur privé se fait toujours attendre un peu plus avec chaque prêt accordé par la Banque mondiale. Et pourtant, elle n’a pas à rendre compte de sa piètre performance. Au contraire, les affaires reprennent de plus belle. Les pays lourdement endettés ont besoin de prêts supplémentaires, pendant que les bureaucrates émettent une série de documents et de rapports reflétant les préoccupations de la Banque mondiale envers les plus démunis de notre planète.