« La traite des femmes et des enfants à des fins de prostitution a fait dans la décennie 1990 trois fois plus de victimes en Asie du Sud-Est, soit 33 millions, que l’esclavage des Africains pendant 400 ans ». Selon le sociologue Richard Poulin, il s’agit bel et bien d’une forme d’esclavage moderne : près de 90 % des personnes concernées ne se prostituent pas, « elles sont prostituées par les proxénètes qui exploitent leur prostitution ». Dans certains pays comme la Thaïlande et les Philippines, l’industrie de la prostitution représente jusqu’à 14 % de l’ensemble des activités économiques nationales.
Ce trafic engendre des revenus de 95 milliards de dollars par an et implique quelque 4 millions de personnes, majoritairement originaires de l’Europe de l’Est et du tiers-monde. Les enfants constituent une part croissance de ce commerce : près de la moitié des victimes, selon différentes organisations internationales. Dans les quartiers rouges de plusieurs grandes capitales occidentales, Amsterdam par exemple, 80 % des prostitué-es sont d’origine étrangère (elles n’étaient que 5 % dans les années 1960). Richard Poulin, qui enseigne à l’Université d’Ottawa, estime que les États qui légalisent la prostitution contribuent à une croissance importante de cette industrie, y compris de la prostitution des mineurs, ce qui institutionnalise l’inégalité sociale entre les femmes et les hommes.
« Au Canada, explique Poulin, les prostitués originaires de l’Asie sont revendus à des souteneurs à des prix variant entre 8000 $ et 15 000 $ dollars ». En signant un manifeste pour Abolir la prostitution, Poulin estime que la bataille contre cette marchandisation du corps n’a rien à voir avec un quelconque moralisme. « Dans les faits, l’internationalisation du commerce du sexe est contrôlée par des réseaux mafieux. Dans de telles conditions, réduire la prostitution à un libre choix revient à nier cette réalité. »
« À court terme, il faut donner aux prostituées accès aux services sociaux et de santé, créer des refuges où elles peuvent échapper aux souteneurs. » Cependant, ces moyens palliatifs ne vont pas assez loin. « Il faut des législations sévères contre les prostitueurs, pas contre les prostituées. Depuis l’adoption d’une loi en ce sens en Suède, le nombre de femmes prostituées a régressé. L’afflux des prostituées de l’étranger a presque cessé. Les réseaux savent que ce n’est plus rentable d’exploiter la prostitution dans ce pays. »