À la croisée des chemins

dimanche 23 novembre 2003, par Daphnée DION-VIENS

Un an après sa création, le mouvement D’abord solidaires arrive à un point tournant de son existence. Du 28 au 30 novembre, ses membres se rassembleront à Montréal pour décider de l’avenir du collectif. Entre la création d’un nouveau parti politique, le maintien du réseau ou la voie libertaire, les débats sont ouverts.

Automne 2002. Alors que des élections provinciales sont pressenties pour le printemps suivant et que l’ADQ gagne du terrain dans les sondages, un réseau est créé pour contrer la montée des idées de la droite au Québec. Plus de 1 200 membres adhèrent sur une base individuelle à D’abord solidaires, un mouvement qui fait de l’éducation populaire et de la recherche du bien commun sa mission. Une trentaine de collectifs voient le jour un peu partout à travers la province. En vue des élections, les membres analysent les plates-formes électorales des différents partis politiques et multiplient les interventions.

Après le scrutin d’avril, le réseau a fait le bilan de son action politique et s’interroge maintenant sur son avenir et son mandat. Trois options seront débattues lors du grand rassemblement qui se déroulera du 28 au 30 novembre.

Une action politique partisane

Pour Françoise David, l’une des porte-parole de D’abord solidaires, le temps est venu de créer un parti politique qui représente une véritable alternative de gauche, féministe, écologiste, antiraciste et altermondialiste. Une réflexion qui a mûri depuis qu’elle a quitté la présidence de la Fédération des femmes du Québec, il y a deux ans. « La conjoncture politique actuelle a été un facteur de plus » qui l’a mené dans cette direction, explique-t-elle. La création d’une nouvelle option politique aux prochaines élections serait donc « une façon de brasser la cage, d’occuper un espace médiatique et public que l’on peut difficilement laisser de côté ».

Si l’option partisane se fait rassembleuse, les prochains mois seront donc occupés à clarifier et à construire la vision de ce que pourrait être ce nouveau parti. Mais il faudra avant tout, insiste Mme David, entamer le dialogue. Elle salue les efforts des partisans de l’Union des forces progressites (UFP) pour tenter un rassemblement de la gauche, mais se questionne sur leur vision économique, politique et sociale. Des discussions devraient avoir lieu pour explorer un éventuel terrain d’entente. Elle souligne aussi l’importance d’être à l’écoute des préoccupations des Québécois : « On n’opposera pas les vérités immuables de la droite aux vérités immuables de la gauche. Il faut entrer en dialogue avec la population et ensuite proposer des alternatives. »

Le maintien du mouvement

Sans être en désaccord avec l’option partisane, Lorraine Guay, membre du collectif initiateur de D’abord solidaires, défend le maintien et le développement du réseau citoyen. « Le rapport au politique doit être pluriel, affirme-t-elle. Il ne faut pas se limiter qu’aux instances et aux partis politiques. Un parti de gauche va de pair avec un mouvement social fort et articulé. » Les défenseurs de cette option entendent poursuivre le travail d’éducation et de mobilisation entrepris depuis un an afin de continuer à « faire de la politique autrement ».

Interrogée sur la viabilité et la pertinence de D’abord solidaires en dehors des périodes électorales, Mme Guay répond : « Oui, le réseau demeure plus pertinent que jamais considérant la conjoncture actuelle. Avant les dernières élections, la droite, c’était surtout des idées […]. Aujourd’hui nous sommes passés à des politiques de droite en chair et en os ! La société québécoise commence à peine à expérimenter ce que signifie la "réinvention" du Québec proposée par les libéraux. » Elle insiste aussi sur l’importance du décloisonnement, afin de regrouper les luttes sectorielles au sein d’un mouvement inclusif.

La voie libertaire

De leur côté, Marcel Sévigny et Anna Kruzynski, qui militent dans différentes organisations communautaires de quartiers à Montréal, prônent l’auto-organisation des citoyens : « Nous voulons sortir des sentiers battus. De moins en moins de gens croient en la politique traditionnelle. Nous pensons qu’il y a d’autres façons d’amener des changements », explique Marcel Sévigny.

À la base de cette vision, un réseau de collectifs autogérés, pour réhabiliter le sens du mot « politique » et favoriser une implication directe des citoyens dans leur milieu. Selon M. Sévigny, il existe déjà au Québec une centaine de collectifs qui agissent à différents niveaux : la clinique communautaire de Pointe St-Charles, où les citoyens gèrent depuis 35 ans le service public de santé de leur quartier, en est un exemple. Ce modèle « de gestion et de contrôle citoyen décentralisé pourrait être facilement implanté à l’échelle du Québec et les organismes locaux ainsi formés, être reliés sous forme de fédération », prônent les défenseurs de l’autogestion.

Peu importe leurs divergences d’opinion, les représentants de ces différentes avenues s’entendent pour dire que leurs démarches restent complémentaires et non exclusives. Ce sera donc aux membres de D’abord solidaires à décider dans quelle voie ils souhaitent poursuivre leur engagement pour un Québec solidaire.

Daphnée Dion-Viens


Pour plus d’information, consultez le site Internet de D’abord solidaires : http://www.dabordsolidaires.org

À propos de Daphnée DION-VIENS

Assistante à la rédaction, Journal Alternatives

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