38 ans derrière les barreaux. L’histoire du père Jean.
France Paradis, Éditions Novalis, 2008, 152 pages.
La prison de Bordeaux est une des plus vieilles au pays. C’est aussi la plus violente, la plus bruyante et la plus laide. Lorsque le père Jean y entre pour la première fois en 1969 - il a alors 28 ans, environ la moyenne d’âge de ceux qui y sont incarcérés -, aucun professionnel n’y travaille et personne n’approche les détenus. Les repas sont déposés devant la porte des secteurs et on ne pénètre dans les cellules qu’en l’absence de leurs occupants. Pendant la messe, les détenus se tiennent derrière une grille qui les sépare du prêtre. Et la peine de mort existe encore. Il est le premier, à force d’arguments et de supplications, à pouvoir aller dans les secteurs de détention quand les gars y circulent. Il sera aussi le premier aumônier de l’Institut Philippe-Pinel, à l’époque situé dans la prison, et réservé à ceux qu’on appelait les malades mentaux.
À travers le père Jean, l’auteure raconte le quotidien de la prison, celui des toxicomanes, des détenus atteints de problèmes de santé mentale ou de déficience intellectuelle, tous ceux dont « l’incarcération est un scandale qui n’intéresse personne ». Elle offre des exemples frappants d’humanité à travers la vie des personnes incarcérées, dans un lieu où il n’en reste que très peu. Elle y raconte la vie de l’aumônier, surnommé le « pape de Bordeaux » par les détenus, un anticonformiste dont la force de l’engagement est fascinante, qui emploiera sa vie à tenter de redonner un peu d’espoir aux prisonniers, ceux à qui on ne pense jamais, oubliant que derrière leurs crimes il y a aussi des hommes et des histoires. L’auteure raconte aussi la vie d’André Patry - son vrai nom -, car s’il est un prêtre, il reste néanmoins un homme : son enfance et son adolescence turbulentes, la dépression qui le terrassera pendant plus de deux ans, sa vie à l’extérieur de la prison où il continue, nuit et jour, à accueillir chez lui tous ceux n’ayant nulle part où aller, incapable de rester indifférent devant la souffrance, lui dont le désir est d’être avec ceux qu’on rejette et abandonne.