Les municipalités ne sont pas des « business », contrairement à l’opinion du maire de Lévis, M. Garon. Mais à voir la façon dont plusieurs sont gérées, on a l’impression que cette opinion repose sur quelque fondement. Il n’est pas inutile de rappeler que ce n’est qu’en 1970 à Montréal et en 1974 dans les autres municipalités que l’on est passé, au Québec, d’une démocratie où seuls les propriétaires avaient le droit de vote à des administrations élues au suffrage universel. Encore aujourd’hui, des traces de cette démocratie de propriétaires perdurent, comme le fait que l’on puisse voter au municipal si l’on est propriétaire, même si l’on n’est pas résidant, selon le principe du « no taxation without representation » (pas de taxation sans représentation). Cette démocratie de propriétaires a fait en sorte que les élections municipales ont longtemps été la chasse gardée des notables locaux et des promoteurs, les élus les laquais de la Chambre de commerce. Les choses ont-elles tellement changées ? Un peu, mais si peu...
La démocratie municipale au cœur de nos actions
L’un des enjeux majeurs des prochaines élections municipales, et des années à venir, demeure donc celui de « démocratiser radicalement la démocratie », pour reprendre l’heureuse formule de Gil Courtemanche1. Les citoyens et citoyennes ne sont pas seulement des consommateurs de centres d’achat, mais des êtres de paroles et d’opinions qui sont appelés à inventer sans cesse leur « vivre ensemble ».
Cela suppose des orientations telles : faire de la municipalité un lieu privilégié du vivre ensemble ; investir la démocratie participative et délibérative ; se démarquer d’une approche mercantile ; cogérer les affaires publiques ; réaliser maintenant l’égalité entre les femmes et les hommes ; maintenir, améliorer et développer les services publics contre la privatisation, contre les partenariats public/privé et la sous-traitance ; lutter contre l’exclusion, la marginalisation, la pauvreté pour mieux vivre ensemble selon des principes d’égalité, parce que différents. Voilà sept propositions bien concrètes de l’Agenda citoyen.
Un programme en sept points
Faire de la municipalité un lieu privilégié du vivre ensemble, c’est faire en sorte que les quartiers ou les arrondissements, les villages ou les municipalités rurales, constituent des espaces de proximité, des espaces de participation citoyenne donnant l’opportunité aux citoyens et citoyennes d’avoir une prise concrète sur le développement et l’amélioration de son milieu de vie, ouvrant des opportunités d’échanges directs et de délibération sur des enjeux collectifs permettant de soutenir les citoyens dont la parole est marginalisée. C’est le contraire d’une ville laissée aux élites locales, vue comme une source de spéculation foncière, de réseaux d’influences et de services réservés aux entreprises.
Investir la démocratie participative et délibérative, c’est en finir avec le monopole de la démocratie représentative comme mode privilégié d’exercice de la citoyenneté. Même si les élections demeurent essentielles, on doit faire appel, outre aux institutions représentatives, à diverses formes de démocratie participative et de démocratie délibérative.
Il importe de se démarquer d’une approche mercantile qui raisonne essentiellement en termes de croissance de la taxe foncière, qui considère l’espace public comme une marchandise qu’il faut offrir aux plus riches et où les citoyens sont considérés principalement sous l’angle de payeurs de taxe et d’utilisateurs de services. De plus, il faut changer le mode de financement des villes, dont la taxe foncière est la principale source de revenu. Car il est de la responsabilité de l’État de diversifier les sources de financement des municipalités et de voir à leur redistribution.
Cogérer les affaires publiques, c’est faire en sorte que les citoyens puissent s’approprier les outils de prise de décision au plan municipal. Il est donc nécessaire qu’ils soient associés à la gestion publique, conjointement aux élus et fonctionnaires, et qu’ils puissent déterminer leurs propres priorités de développement urbain, économique, social et environnemental en s’appuyant sur les valeurs de liberté et d’égalité de chacun, mais aussi sur le principe de l’inclusion. Cette cogestion pourrait dès maintenant s’exercer dans différents secteurs municipaux : plans d’aménagement, budget participatif et plans de développement social, économique, culturel, sportif, de l’habitation, des espaces verts et collectifs, etc.
Réaliser maintenant l’égalité entre les femmes et les hommes, car il ne peut exister de municipalités démocratiques sans la participation égalitaire des femmes à la représentation politique et dans les institutions de démocratie participative. Cela suppose, entre autres, des politiques d’accès à l’égalité dans tous les domaines de la vie municipale ; des structures politiques et administratives propres à assurer l’égalité des femmes et des hommes, l’application de l’analyse différenciée selon les sexes à toute politique, programme ou décision municipale.
Maintenir, améliorer et développer les services publics contre la privatisation, les partenariats public/privé et la sous-traitance, car les services publics jouent un rôle majeur dans l’élimination des inégalités et des discriminations et dans le maintien de la cohésion sociale. Un programme citoyen soucieux de l’intérêt général invite les citoyens à s’inscrire en faux contre la seule logique marchande et à proposer non seulement de « maintenir » les services publics existants mais de les développer. Toutes les municipalités du Québec doivent devenir des « zones hors AGCS » (Accord général sur le commerce des services de l’Organisation mondiale du commerce) comme le propose ATTAC. Il faut également exercer notre vigilance citoyenne puisque les lois sur les PPP font des municipalités les principaux bancs d’essai de la mise en place de tels partenariats. Il nous faut pratiquer une résistance active contre la tendance à la tarification des services municipaux qui affectent particulièrement les personnes à faibles revenus.
Lutter contre l’exclusion, la marginalisation, la pauvreté, c’est inclure l’ensemble des citoyens dans une politique du mieux vivre ensemble, en toute égalité, bien que différents. On vit avec ses concitoyens, on ne les « choisit » pas. Mais on peut décider collectivement que la municipalité devienne un lieu d’inclusion sociale où se discutent les aspirations différentes des citoyens en matière de développement social, économique, culturel et environnemental ; où se côtoient les appartenances à diverses classes sociales, communautés ethnoculturelles, à différentes orientations sexuelles, différents styles de vie, contre l’homogénéisation culturelle ou sociale et la domination des uns sur les autres ; où l’on accorde une attention particulière aux citoyens davantage démunis économiquement, marginalisés, exclus des lieux de participation et de décision et où les droits de tous et de toutes sont respectés.
L’Agenda citoyen
L’ensemble de ces propositions constituent un Agenda citoyen susceptible de rendre à la vie municipale son sens et sa raison d’être. C’est un outil d’éducation et d’intervention politique proposé par D’Abord solidaires - mouvement citoyen non partisan - pour faire de nos municipalités des lieux de participation, d’inclusion et de solidarité.