On serait en route vers la perfection, si on en croit le codécouvreur de la double hélice de l’ADN, James Watson. Et il n’est pas le seul. Ils sont légion les scientifiques excités par les possibilités offertes par les manipulations génétiques. On pourra corriger les enfants à naître, renforcer une habileté déjà inscrite dans le bagage parental, le contraindre même à être heureux en l’empêchant de flirter avec la dépression ... Watson croit dur comme fer que « we are going for perfection ».
Les nouvelles technologies de reproduction (les NTR) sont comme la télévision. On vit sous leur emprise. On peut ranger son téléviseur dans le placard, ça ne changera rien. L’image médiatique domine notre monde. Même chose avec les NTR. On n’en comprend pas le jargon ni les enjeux réels, (Qu’est-ce qu’on risque en prêtant son corps à la science dans l’espoir d’un bébé en bout de ligne ? À quoi participe-t-on exactement ? Y a-t-il un bon et un mauvais clonage ? Cherche-t-on vraiment les causes de l’infertilité et les moyens d’y remédier ?), ça n’empêche pas de nouvelles technologies de s’élaborer et d’être testées sur des femmes, des milliers de fois par année.
Nous sommes sur la voie de la reproduction commercialisée d’enfants. Sur la voie d’enfants à la carte, avec gènes reprogrammés aussi. Actuellement à travers le monde, 10 000 scientifiques travaillent sur les 10 000 pièces du puzzle génétique humain. Oui, certaines recherches visent à trouver des remèdes au cancer et au sida. Mais plusieurs mènent à ce que nous puissions « commander et obtenir » des enfants plus brillants, plus beaux, en meilleure santé que si leurs parents les avaient fabriqués. S’il est un enjeu d’avenir qui me glace le sang, c’est celui-là.
Pour des chercheures comme Louise Vandelac (UQàM) ou Abby Lippman (McGill), c’est toute « l’écologie de l’engendrement humain » qui est en cause. C’est pourquoi il faut légiférer et rouvrir le débat public. Actuellement au Canada, c’est n’importe quoi. Le vide juridique qui permet la cavale. En 1995, le gouvernement a établi un moratoire « volontaire » (on croit rêver...) fondé sur la bonne volonté des scientifiques pour qu’ils cessent de travailler sur le clonage, la création d’hybrides, la manipulation des cellules de spermatozoïdes et d’ovules et la manipulation génétique. Tant et aussi longtemps que le Bill C-13, la Loi sur la procréation assistée, déjà arrivé à la troisième lecture, ne sera pas entériné par le Parlement canadien et le Sénat (ce qui permettra des étapes de discussion et de consultation), nous continuerons d’être les dindons de la farce... du siècle.
Le Bill C-13 n’est pas parfait, mais a-t-on les moyens de s’en passer ? Non, clairement non. De toute urgence, l’État doit mettre des balises à ces activités hautement « profitables » faut-il le rappeler, et dommageables pour l’avenir humain. La semaine prochaine le Bill C-13 reviendra à l’ordre du jour de la Chambre des communes. Selon plusieurs groupes féministes, dont la Fédération québécoise du planning des naissances (www.fqpn.qc.ca) et d’autres groupes sensibles aux enjeux liés à l’éthique et à la santé, C-13 limitera la commercialisation de la procréation humaine, réglementera les manipulations génétiques sur les cellules humaines, empêchera les pratiques généralement condamnées telles que le clonage, le sexage et la création de combinaison humain/non-humain. La loi permettra aussi la création d’une agence, essentielle à une réglementation transparente et dénuée de conflit d’intérêt vis-à-vis l’industrie des NTR. SVP, passez un coup de fil à votre député fédéral. Ou écrivez-lui.