En 2005, dans la région andine de Piura, dans le nord du Pérou, des communautés paysannes de trois districts ont organisé le Front de développement durable de la frontière Nord. Celui-ci a pour but de défendre leur environnement et leur mode de vie face au projet d’exploitation du cuivre et du molybdène de la compagnie britanico-chinoise Rio Blanco Copper dans les montagnes avoisinantes.
Lorsque ces paysans se sont fait traiter de réfractaires au progrès par les habitants de la capitale régionale et de la capitale nationale, ils ont mis de l’avant une stratégie visant à réaffirmer leur opposition ferme au projet d’exploitation minière qui risquait de contaminer leurs terres. Ils ont alors proposé un autre type de développement, issu d’un consensus communautaire et en respect avec le mode de vie paysan basé sur l’utilisation extensive de la terre.
La communauté de Curilcas a mis sur pied un moulin servant à extraire le jus de la canne à sucre qui est ensuite bouilli pour produire de la panela. Semblable au sucre, mais moins raffinée, la panela est utilisée pour faire des desserts et de l’eau de vie.
Avant 2005, la communauté n’avait accès qu’à un vieux moulin actionné par un cheval pour effectuer ce travail. Les membres de la communauté se sont donc rassemblés pour faire l’acquisition collective de ce moulin, choisi pour la simplicité de son utilisation et parce que son entretien peut se faire avec à des matériaux locaux.
De son côté, la communauté de Pacaipampa a développé un programme offrant diverses activités d’écotourisme afin de démontrer aux autorités que ses habitants ne dépendaient pas de l’exploitation minière pour générer des revenus. Ce village des Andes, accessible en autobus par un long chemin escarpé, demeure peu fréquenté. Les circuits touristiques proposés respectent donc les valeurs et le mode de vie des habitants. Ils comportent notamment un chemin archéologique des peuples pré-Incas, des treks en montagne et une visite des lagunes. On peut même y vivre des expériences chamaniques.
Changer l’or en miel au Mexique
Au Mexique, depuis près d’une quinzaine d’années, la communauté de Cerro de San Pedro se défend contre la compagnie minière canadienne Newgold, anciennement connue sous le nom de Metallica Resources ou Mineria San Xavier. Aujourd’hui simple hameau de quelques dizaines de familles, le village reste toutefois un lieu historique important de l’État de San Luis Potosi, puisque c’est là que les premiers colons de la région se sont installés.
Au début de 2008, la compagnie minière avait commencé l’exploitation de la montagne. Plusieurs familles ont fui le village et poursuivi ainsi la migration vers la capitale. Les familles les plus téméraires ont décidé de rester et de résister à l’exploitation minière. Ana Maria Alvarado Garcia, une « résidente résistante » et membre d’un groupe agraire local, a développé en bordure du village un projet d’apiculture. Les fleurs et les plantes sont protégées parce que les abeilles les butinent. Le miel produit est ensuite vendu aux habitants de la capitale.
Avec ce projet qui valorise l’environnement local, Ana Maria veut ainsi démontrer que l’exploitation minière n’est pas la seule option de développement économique.
Ces trois initiatives communautaires montrent que les communautés rurales latino-américaines ne sont pas contre le progrès. Elles témoignent plutôt d’une vision du développement leur permettant de gérer elles-mêmes les ressources naturelles que leur offre leur environnement, sans le détruire.