Il y a un an exactement, je décrivais dans ces pages la dégradation des conditions d’enseignement au Niger, à la suite de la mise en place des politiques de restructuration du secteur de l’enseignement contenues dans les Documents stratégiques de lutte contre la pauvreté (DSRP). On retiendra, entre autres conséquences désastreuses : la mise à la retraite anticipée de 90 % du corps professoral ; leur remplacement par des « volontaires de l’éducation », gagnant moins du tiers du salaire des professeurs précédant et dont le droit à la syndicalisation leur est interdit ; fermeture de départements de l’Université de Niamey, dont celui de l’éducation ; et enfin, privatisation de plusieurs services universitaires - résidences, cafétéria, transport - ayant un impact direct sur la qualité et la quantité de ces services.
De passage à Ouagadougou en juillet, quel ne fut pas mon désarroi d’apprendre que, bien que les étudiants et la fonction publique du Burkina Faso aient refusé la mise en place des politiques d’éducation élaborées par les DSRP dans leur pays, le gouvernement est tout de même allé de l’avant dans l’application de ces politiques néolibérales. Les quatre étudiants rencontrés (Blandine, Harouna, Euphrasie, Ouiry), tous membres de l’Association nationale des étudiants burkinabés (ANEB) et de la section universitaire du Mouvement burkinabé pour les droits de l’homme et des peuples (MBDHP), me décrivaient une situation en tout point semblable à celle que mes amis du Niger déploraient il y a un an.
« Seulement 20 % des étudiants ont accès aux repas de la cafétéria, s’insurgeait Ouiry. Depuis que ce service universitaire a été sous-traité, le contractant refuse de préparer une quantité suffisante de repas. » Et Blandine de renchérir : « Si on veut s’assurer d’avoir un repas du midi, on doit faire la queue dès 10 heures le matin ! »
Harouna et Ouiry m’ont ensuite décrit la situation déplorable des résidences. On y dort à quatre par chambre, pourtant conçuent pour une personne. L’endroit y est tellement exigu qu’on doit diviser les heures de sommeil. Pendant que deux chambreurs étudient de 20 heures à minuit, les deux autres dorment. À minuit, ceux-ci doivent laisser les lits aux premiers, qui bénéficieront de quatre courtes heures de sommeil à leur tour.
Les étudiants engagés dasn la lutte contre les politiques de privatisation des services universitaires doivent, depuis 2000, également faire face au harcèlement de l’administration de l’Université de Ouagadougou. En raison de la forte mobilisation du Collectif contre l’impunité au Burkina Faso - mis sur pied à la suite de l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo - dans les milieux universitaires, les grèves d’étudiants ont causé une « année blanche », l’année scolaire ayant dû être entièrement reprise. Depuis, l’administration de l’université force les étudiants, lors de l’inscription, à signer une décharge qui dicte que tout étudiant pourra être renvoyé s’il prend part à des activités « tendant à perturber les activités universitaires ». Toute réunion, politique ou pas, doit également recevoir l’aval de l’administration afin de pouvoir prendre place sur le campus.
Ces mesures, contraires aux libertés d’expression et d’association, n’ont toutefois pas réussi à décourager le militantisme des étudiants. Lors des récentes élections des délégués universitaires, 29 d’entre eux, sur un total de 30, proviennent de l’ANEB, la plus progressiste et militante des associations étudiantes burkinabées. Les étudiants comptent également profiter du 10e Sommet de la francophonie, qui aura lieu à Ouagadougou à la fin novembre, pour faire valoir que le développement des pays africains ne pourra pas avoir lieu si les institutions financières internationales et les pays donateurs, qui financent et dictent les politiques des DSRP, persévèrent à sabrer l’enseignement universitaire de leurs pays.