La date butoir pour la conclusion d’un accord, janvier 2005, arrive à grands pas. « Les Canadiens doivent donc commencer à réfléchir à ce que la ZLÉA représentera pour eux », peut-on lire dans le site Internet du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Malgré cette exhortation formelle, peu d’initiatives ont été entreprises par les instances gouvernementales pour expliquer les enjeux reliés à la mondialisation aux quatre coins des Amériques. La version révisée des chapitres de l’accord, qu’on avait promis de publier au moins huit semaines avant la réunion ministérielle de Miami, n’a toujours pas été rendue publique.
Qu’à cela ne tienne, un large mouvement populaire s’est mobilisé à la grandeur du continent pour sensibiliser l’opinion publique aux impacts de cet accord économique continental. Au Brésil, en septembre 2002, 10 millions de personnes ont participé à un référendum sur la ZLÉA, et 98 % d’entre elles se sont prononcées contre. Des consultations se déroulent présentement en Argentine, en Bolivie, au Costa Rica, au Salvador, en Équateur, au Mexique et en Uruguay.
Le Québec emboîte le pas
Au Québec, une campagne d’information et de sensibilisation a aussi été initiée depuis l’an dernier, orchestrée par le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC). C’est « une opération importante de sensibilisation auprès du public québécois », affirme Émilia Castro, du Conseil central de Québec de la CSN et membre du Réseau du Forum social régional Québec-Chaudière-Appalaches. Aussi appelée Consulta, en espagnol, cette initiative comprend sessions de formation et ateliers de sensibilisation. La population est invitée à s’exprimer sur la ZLÉA en remplissant un bulletin de vote.
Quelques centaines de syndicats et plusieurs dizaines d’organisations à travers la province participent à cette initiative. Avec une population de 800 millions d’habitants, la ZLÉA deviendrait la zone de libre-échange la plus vaste du monde où les États-Unis et le Canada détiendraient 80 % du poids économique.
Les différentes organisations membres du RQIC jugent nécessaire de dénoncer les menaces qui pèsent sur les droits individuels et collectifs des peuples d’Amérique : « Les conséquences sur nos conditions de vie et de travail sont très importantes. Il faut prendre notre place en tant que citoyens et citoyennes », rappelle Emilia Castro. « C’est un processus de négociation qui est ni transparent ni démocratique, et c’est pour cette raison qu’il faut sonner l’alarme auprès du gouvernement », affirme pour sa part Nancy Gagnon, de la Ligue des droits et libertés, qui est aussi membre du Réseau du Forum social régional Québec-Chaudière-Appalaches.
Ces préoccupations sont partagées par de plus en plus de gens lorsqu’elles sont expliquées, notamment aux plus jeunes, remarquent les organisateurs du RQIC. Selon Jean-François Pomerleau, coordonnateur de la Maison des jeunes de Farnham, en Montérégie, qui réunit régulièrement des adolescents pour discuter de la mondialisation : « Il faut multiplier les ateliers d’éducation populaire autour d’enjeux aussi cruciaux pour les générations à venir. Les exemples de la domination des sociétés transnationales exercée sur les pays du continent et ses répercussions inquiétantes sont déjà légion depuis qu’a été mise en place l’ALÉNA, il y a dix ans. » L’intervenant mentionne au passage la poursuite judiciaire intentée par la multinationale Ethyl Corporation contre le gouvernement canadien, en vertu de l’article 11 de l’ALÉNA. Le gouvernement canadien avait été contraint de verser, en 1998, 13 millions de dollars à la compagnie qui lui reprochait d’avoir banni, pour des motifs environnementaux, un additif à l’essence dont elle détenait les droits de commercialisation. Du coup, l’interdiction a été levée.
Un appel au gouvernement canadien
Les représentants de la société civile souhaitent que le gouvernement canadien révise son appui à cet accord commercial jugé plus écrasant que libérateur. En présentant les résultats de la Consulta lors d’une soirée publique à Montréal, le 14 novembre prochain, le RQIC espère bien se faire entendre haut et fort. Selon Louis-Serge Houle, conseiller syndical à la CSN et membre du RQIC, le gouvernement fédéral pourra difficilement ignorer « cette campagne très importante qu’est la Consulta au Québec », s’il veut respecter ses engagements auprès de la société civile. Un dossier à suivre, lors de la rencontre des ministres du Commerce à Miami, fin novembre.
Sonia Rochette, collaboration spéciale