Le Groupo Cultural AfroReggae (GCAR) a bien modestement commencé ses activités grâce à un journal dont l’objectif était de valoriser auprès des jeunes afro-brésiliens la culture musicale dite noire — le reggae, le soul et le hip-hop. Cette publication cristallise la mission d’AfroReggae : « Promouvoir l’inclusion et la justice sociale, en utilisant l’art, la culture afro-brésilienne et l’éducation comme outil dans la création de ponts unissant les différences et servant de fondation pour la durabilité de l’exercice de la citoyenneté. », selon son site Web.
Malheureusement, le fondateur réalise rapidement que le journal ne permet pas aux jeunes habitants de la favela de s’engager directement. C’est pourquoi le GCAR inaugure un premier centre communautaire culturel chargé de proposer des ateliers en tout genre, de la danse au recyclage des déchets en passant par la percussion, le théâtre et la capoeira. C’est l’inauguration d’un second centre culturel en 1997, qui véritablement assoie la crédibilité de l’organisme dans la capitale brésilienne. En plus des nombreux ateliers, GCAR offre un programme qui permet à des enfants d’âge préscolaire de la favela de participer à des activités de socialisation et d’alphabétisation leur garantissant ensuite une place à l’école municipale.
Plus qu’un outil de lutte contre la pauvreté, le GCAR « veut être perçu comme une organisation qui lutte pour la transformation sociale à travers la réalisation de rêves réveillant le potentiel ainsi que l’auto-estime des couches populaires ». C’est pourquoi une grande part de son action est centrée sur les arts et la culture, et plus particulièrement sur la musique. L’ONG dirige la carrière de dix groupes professionnels, dont le plus connu est la Banda Afro Reggae. Ce groupe a même enregistré un album en 1998, Nova Cara, sous l’étiquette Universal Studios, devenant le premier groupe brésilien, issu d’un projet social, à travailler avec une étiquette de cette envergure.
Depuis, le GCAR a fondé sa propre maison de production. En plus de collaborer au rayonnement des groupes d’artistes soutenus par les différents projets de l’ONG, elle y réinvestit une bonne partie de ses profits. « À l’inverse de la trajectoire naturelle du marché, où les grandes entreprises créent des institutions ou des fondations pour appuyer les projets culturels ou sociaux, nous sommes une organisation qui a créé une entreprise pour appuyer notre travail social », s’enorgueillit d’ailleurs le GCAR.
Depuis un peu plus d’un an, l’organisme travaille également à accroître la diffusion des œuvres de ses protégés grâce à une station de radio communautaire en ligne. Cette première radio Internet, retransmise en direct d’une favela, est entièrement produite par ses jeunes résidents qui y diffusent la musique des groupes affiliés au GCAR, mais aussi d’artistes brésiliens et internationaux.
Elle sert également de radio-école aux élèves de la toute nouvelle École de radio et de multimédia qui y est rattachée. La formation gratuite de six mois apprend aux étudiants les rudiments de l’écriture, la prise de son, l’animation et la production radio, mais aussi la mise en ligne de sites Internet, de photos et de vidéos.
Mais il n’y a pas que les apprentis musiciens ou communicateurs qui trouvent leur compte chez GCAR. Depuis 1996, les amateurs de cirque peuvent s’intégrer à une troupe qui forme jongleurs, trapézistes, acrobates et autres clowns en collaboration avec Cirque du monde. Les comédiens en herbe ont quant à eux accès à une compagnie théâtrale qui tente de faire passer des messages sur les soins de santé aux communautés des favelas par le biais de l’humour.
Étendre son succès à la planète…et aux salles de classe
Au-delà de son succès brésilien, le Groupo Cultural AfroReggae s’est bâti une réputation internationale enviable. Il collabore notamment à l’ONG britannique Favela to the World. Ce partenariat soutient depuis sept ans des projets dans les quartiers défavorisés de Londres, Manchester et Newcastle. Il a fait sienne la philosophie de GCAR, comme en témoigne son slogan « Culture is our weapon ! » (la culture est notre arme !).
Il n’y a pas que les Londoniens qui trouvent l’histoire du GCAR inspirante. Les cinéastes Jeff Zimbalist et Matt Mochary ont été si impressionnés par le travail accompli par José Junior et sa bande qu’ils ont décidé de leur dédier un documentaire, Favela Rising. « Ce documentaire illustre comment les jeunes ont la capacité de changer positivement leur propre situation quand ils ont l’appui de la communauté », résume Jeff Zimbalist. Sorti en 2005, le film tourné en portugais a depuis récolté une trentaine de prix dans le cadre de festivals internationaux et nationaux dont ceux de Sydney, New York et Vancouver.
Des étudiants de l’Université Columbia (New York) en ont même fait le fondement d’un programme de cinq leçons destiné à faire comprendre aux élèves des écoles secondaires américaines « le pouvoir de la communauté à s’attaquer aux problèmes locaux ». Cette approche ne pourrait-elle pas avoir du succès de ce côté-ci de la frontière ?