Entrevue avec Vivian Barbot, présidente de la Fédération des femmes du québec

Un parcours sinueux

samedi 1er mars 2003, par Marie-Paule BERTHIAUME

« Ma mère rappelle souvent que nous n’avons qu’une vie à vivre et qu’il faut la vivre debout ! », lance d’entrée de jeu, Vivian Barbot, première présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) issue d’une minorité visible. Cette Haïtienne d’origine a vécu l’exil avant d’immigrer au Québec.

Originaire de la ville de Saint-Marc, Vivian quitte son île à l’âge de 16 ans pour aller étudier en Suisse. Elle tente par la suite de poursuivre ses études en France mais elle ne peut obtenir les autorisations nécessaires en raison des troubles politiques qui secouent Haïti. Après une brève visite aux États-Unis, la jeune femme retourne en Haïti. « C’est là que les choses se sont vraiment gâtées », raconte-t-elle.

La famille Barbot est alors recherchée par la milice haïtienne. Son père, Clément, représentait une figure d’opposition au régime du dictateur Duvalier, et ses convictions ont causé sa perte. Ses proches ont été contraints à l’exil, puisque le régime Duvalier rendait responsable la famille entière en cas d’activisme politique chez l’un de ses membres.

« La liberté individuelle était complètement niée dans ce régime », souligne la présidente de la FFQ. La famille Barbot restera donc presque deux ans à l’Ambassade d’Argentine. « Ils nous disaient qu’on ne partirait jamais. […] Nous étions prisonniers » confie-t-elle. Quitter Haïti était devenu leur seule porte de sortie.

« Quand on voyage, […] on a toujours un port d’attache, explique-t-elle, tandis que lorsqu’on part en exil, on perd cela [le retour à sa terre natale] ». Elle déplore cependant que certains immigrants vivent toute leur vie en fonction de ce port d’attache : « C’est comme s’ils mettaient leur vie entre parenthèse. Ils ne vivent pas le présent, ce qui les empêche de s’intégrer. »

Rencontre avec le Québec

Quelque temps après son arrivée en Argentine, Vivian se fiance avec un touriste québécois, qui est maintenant son mari. Ils reviennent tous deux au Québec, au moment où Montréal accueille des gens de partout lors de l’Exposition universelle de 1967. Entourée de son mari et de nouveaux amis, Vivian s’implique et s’épanouie dans son nouveau pays.

Après avoir pris sa retraite de l’enseignement, Vivian Barbot posait, en 2001, sa candidature à la présidence de la FFQ. Auparavant vice-présidente de l’organisation, elle s’est faite élire par acclamation, le 3 juin 2001. Vivian Barbot continue depuis le travail entamé par sa prédécesseur, la très respectée Françoise David, en s’impliquant dans les dossiers concernant la pauvreté et la violence faite aux femmes.

Pour l’instant, la présidente de la FFQ continue sa lutte pour la condition des femmes mais aussi, pour l’intégration des immigrants et immigrantes à la société québécoise. Elle se dit très heureuse d’être un symbole d’espoir pour le mouvement immigrant au Québec et elle encourage les gens victimes de racisme à « se tenir debout ». « Une personne raciste, c’est quelqu’un qui en veut à [la couleur de] ma peau, explique-t-elle. C’est souvent des gens qui ne connaissent pas l’histoire… Je compte beaucoup sur l’éducation pour promouvoir des façons de vivre ensemble. Au bout d’un certain temps, la population arrivera à développer des liens d’amitié qui vont traverser la vie. » Elle invite chacun et chacune à en apprendre davantage sur le travail qui peut être réalisé dans le cadre de la Journée mondiale de la femme, le 8 mars prochain.

Marie-Paule Berthiaume, collaboration spéciale

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