Depuis 1996, le Guatemala se relève d’une guerre civile qui a duré 36 ans et coûté la vie à plus de 200 000 Guatémaltèques. Parmi les dictateurs qui ont dirigé le pays durant cette période, on retrouve le général Rios Montt, actuel candidat à la présidence. En mars 1982, Montt a organisé un coup d’État qui l’a porté au pouvoir jusqu’en 1983, alors qu’il a été à son tour renversé. L’ex-dictateur est accusé d’être responsable du massacre de milliers d’autochtones. Durant son règne, les combats et les exactions auraient fait près de 15 000 morts.
Le passé de Montt l’a longtemps empêché de briguer la présidence puisque la Constitution guatémaltèque interdit la candidature présidentielle de toute personne ayant participé à un coup d’État. Mais le 31 juillet, la Cour a changé définitivement d’avis et permis à Montt de se porter candidat. Les membres du tribunal, dont plusieurs ont été nommés par le parti au pouvoir, le Front républicain guatémaltèque (FRG), ont affirmé que la disposition adoptée en 1985 n’avait pas d’effet rétroactif et ne pouvait être invoquée pour des coups d’État antérieurs à cette date.
Montt est donc le candidat du FRG, qui tente par tous les moyens de rester en place. D’où une recrudescence de la violence politique.
Climat d’insécurité
Marielos enseigne l’espagnol et le quiché, sa langue maternelle, dans la ville de Quetzaltenango située au sud-ouest du Guatemala. Comme plusieurs de ses concitoyens, elle espère une victoire du parti GANA (Gran alianza nacional), maintenant en tête des sondages, question de mettre un terme aux aspirations de l’ancien dictateur, Efrain Rios Montt.
Mises à part les questions juridiques, Marielos se préoccupe surtout de l’insécurité, de la violence et de l’impunité qui règnent dans son pays. « Depuis le mois de mai, il y a eu 20 meurtres parmi les candidats et les membres des partis d’opposition, mais personne ne recherche les coupables », s’indigne-t-elle. Les représentants de la mission spéciale d’observation électorale de l’Organisation des États américains (OEA) ont d’ailleurs affirmé que ce climat de violence pouvait compromettre la tenue d’élections justes et démocratiques.
La violence a atteint son apogée le 24 juillet lorsque des centaines de partisans de l’ex-général sont descendus dans les rues pour manifester leur colère de voir la candidature de Montt refusée par la Cour suprême. Une décision renversée ensuite par la Cour constitutionnelle. Les manifestants ont bloqué les artères principales, incendié des pneus et poursuivi les journalistes dans la rue. Durant deux jours, la capitale a été littéralement paralysée. Pourtant, les forces policières ne sont jamais intervenues. Certains députés du FRG ont même été identifiés parmi les casseurs, mais n’ont fait l’objet d’aucune sanction.
Menaces et intimidations
« L’intimidation et la crainte jouent en faveur du parti officiel [FRG] et je crois qu’il est encore possible que Rios Montt prenne le pouvoir », s’inquiète Claudia Samayoa, une militante pour les droits humains et membre du groupe Barómetro. Même si certains sondages prévoient la victoire d’Oscar Berger, candidat du GANA, Claudia reste craintive vis-à-vis des possibles « fraudes électorales, devenues monnaies courantes dans la vie politique guatémaltèque ». Elle redoute l’effet des menaces et de l’intimidation qui pourrait dissuader les électeurs d’aller voter, comme au cours des élections précédentes où les taux de participation n’ont pas dépassé 30 %.
Selon plusieurs journalistes locaux et acteurs de la société civile, la fraude est effectivement à craindre. C’est pour cette raison que Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix en 1992, et le Front civique pour la démocratie ont mis en branle une campagne de conscientisation pour assurer un vote libre et juste. À la suite de cette initiative, début octobre, la militante pour la paix a été rudoyée par un groupe de partisans du FRG à sa sortie du tribunal où était débattu le cas de Rios Montt.
Lorsqu’on demande à Marielos quelles sont ses attentes vis-à-vis des élections du 9 novembre, elle dit souhaiter « que le parti élu leur redonne un peu de sécurité et remette l’économie sur les rails ». L’enseignante de Quetzaltenango ira voter le jour des élections, mais elle doute de la fiabilité des résultats. Une attitude qui s’explique par des décennies de fraude électorale et d’instabilité politique. Le scrutin, appréhendé par plusieurs, sera un point tournant dans le développement de la démocratie au Guatemala.
Nicolas Cléroux, collaboration spéciale