Fuyant les pluies européennes, de nombreux vacanciers sont allés retrouver le soleil des plages tunisiennes. Ils auront sans doute apprécié la gentillesse des Tunisiens qui parlent si bien le français.
Mais la Tunisie, c’est aussi ce pays ou un général-président se fait « élire » avec des scores que n’ose plus afficher le moindre dictateur. Un chef d’État qui, le 26 mai dernier, a fait « voter » à près de 99 % une modification de la Constitution lui permettant d’être indéfiniment réélu et d’échapper à toute poursuite judiciaire !
La presse tunisienne est devenue l’une des plus insipides et censurées du monde arabe. Les amis de Ben Ali, qui sont nombreux à Paris, Washington ou Ottawa, expliquent que ces petits inconvénients sont le prix à payer pour préserver le pays du « terrorisme islamiste ». Moyennant quoi les journaux sont infiniment moins libres que ceux d’Algérie ou du Maroc voisins. Et les islamistes, ou soi-disant tels, sont emprisonnés, souvent torturés, parfois tués.
Mais le pouvoir ne tolère pas plus d’opposition démocratique et laïque, comme en témoignent les pressions incessantes contre les rares organisations demeurées indépendantes dans la société civile, en particulier celles dirigées contre la Ligue tunisienne des droits de l’homme - la plus ancienne du monde arabe -, la mise au pas des syndicats, les pressions sur les avocats, les arrestations d’opposants, etc.
L’un des derniers exemples en date est la répression qui a frappé Hamma Hammami et ses camarades du Parti communiste des ouvriers tunisien. Ce parti, qui ne pratique ni la violence ni a fortiori le terrorisme, est interdit. Après plusieurs années de clandestinité, Hammami et ses camarades ont décidé de se livrer à la justice pour clarifier une bonne foi pour toute leur situation. Ils ont été lourdement condamnés après un simulacre de procès et Radhia Nasraoui, la femme de Hamma, qui est aussi son avocate et une militante des droits de l’homme, a vu son droit d’accès à son mari entravé, toute la famille subissant sans cesse les intimidations policières. Radhia a fait une longue grève de la faim ce mois de juillet pour protester contre cette situation.
La répression frappe aussi la nouvelle génération, comme en témoigne le scandaleux procès de Zouhaïr Yahyaoui coupable d’avoir animé, sous le pseudonyme d’Ettounsi, un site Internet libre (http://www. Tunezine.com).
Pourquoi donc cet acharnement, sans commune mesure avec la menace que représenterait l’opposition démocratique ou islamiste pour le régime ? Sans aucun doute pour accréditer l’idée que le régime constitue le seul « rempart anti-islamiste ». Et l’on comprend l’embarras de ce pouvoir niant la réalité de l’attentat contre la synagogue de la Ghriba à Djerba en avril dernier, tandis que l’opposition démocratique appelait, elle, à la solidarité avec la communauté juive ! La répression est liée également à la nécessité de couvrir la dérive affairiste et mafieuse qui semble de plus en plus dominer en haut lieu...
Ceux qui, à Paris, Washington, Ottawa et ailleurs, continuent de soutenir Ben Ali devraient s’interroger sur le breuvage maléfique qui finira par sortir de la « marmite infernale » - pour reprendre l’expression de l’opposant tunisien Moncef Marzouki - qui bouillonne du côté du palais présidentiel de Carthage.
Bernard Dreano, CEDETIM