C’est un petit récit intimiste qui nous est livré ici, non sans quelque douleur. Témoignage écrit par l’aînée des filles de Léon Tolstoï, Tatiana, dans un français simple et épuré. Témoignage sur le père, son père, pas n’importe lequel. C’est de l’auteur de Guerre et Paix dont il est question : œuvre magistrale parmi toutes. Près de 2000 pages sur la guerre qui opposa l’armée de Napoléon à la Russie, mais surtout une description de la société russe, de ses misères, de ses structures sociales, politiques et économiques.
Lassée des fausses interprétations sur les relations de ses parents, publiées à tous vents au début du siècle dernier, Tatiana Tolstoï a tenu à réhabiliter la vérité. C’est ainsi qu’elle écrit : « Dans ces livres, les faits relatés sont en général exacts, mais pour reprendre une expression de notre Nicolas Gogol, il n’y a rien de pire qu’une vérité qui ne soit pas vraie. » Quant à Tolstoï, celui-ci aurait dit sur son lit de mort, à son fils aîné : « Serge ! J’aime la vérité… beaucoup… j’aime la vérité. »
Ainsi nous est-il permis d’entrer dans l’univers familial et créatif d’un des plus grands écrivains russes connus jusqu’à présent. On découvre alors un homme qui soudainement décida de vivre, jusqu’à l’extrême limite, en accord avec ses principes de justice sociale, se débarrassant de la propriété de tout bien, y compris ses livres, ses droits d’auteur. Régime qu’il voulut imposer à sa femme, fidèle compagne qui recopiait tous ses écrits, ainsi qu’à ses enfants. D’où les tensions entre le couple qui s’aimait pourtant d’un amour véritable, et si tendrement, selon le souvenir qu’en conserva l’enfant qu’avait été Tatiana.
Publié pour la première fois dans un numéro spécial de la revue Europe en 1928, voici Sur mon père republié dans un très joli format aux Éditions Allia. Pour écrire « sur son père », Tatiana s’est inspirée à la fois de ses propres souvenirs et des nombreuses lettres que s’écrivaient ses parents. Vérité, quelle vérité ? Du moins est-ce celle de la propre enfant de Tolstoï. Très beau, touchant, déconcertant. Cela permet une relecture de l’homme et de son œuvre.