Soeurs volées, crise ignorée

lundi 3 mars 2014, par Arij Riahi

Les appels répétés à une commission d’enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées restent sans réponse.

Tremblante de froid, la main gauche active nerveusement la roulette du briquet du haut vers le bas. L’autre tient une mince chandelle blanche. Devant, des femmes se succèdent devant le micro. La foule est de plus en plus nombreuse, d’un février à l’autre. Pourtant, l’impression que nous prêchons aux converti-es demeure.

D’année en année, nous sommes plusieurs à nous réunir le 14 février et le 4 octobre pour les marches annuelles en mémoire des femmes autochtones disparues et assassinées. Elles se tiennent à plusieurs endroits d’un bout à l’autre du Canada. Celle de Montréal oscille entre le parc Émilie Gamelin et la station de métro St-Laurent.

Cette année, nous marchions au lendemain de la disparition de Loretta Saunders, une femme de 26 ans enceinte et provenant des territoires inuit du Labrador. Étudiante à l’Université St-Mary’s à Halifax, Saunders travaillait sur une thèse sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Son corps a été retrouvé quelques jours plus tard, en bordure d’une autoroute du Nouveau-Brunswick.

La veille au Parlement, le Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones achevait sa ronde d’entrevue. L’Association des femmes autochtones du Québec déposait aussi une pétition à la Chambre des communes regroupant plus de 23 000 signatures et appelant à une commission d’enquête nationale sur le cas des femmes autochtones disparues et assassinées.

Couverture internationale

Les appels à une commission d’enquête nationale et indépendante sur les cas des femmes autochtones disparues et assassinées font couler de plus en plus d’encre au Canada, surtout chez les médias anglophones.

La crise fait aussi jaser à l’international. De Human Rights Watch à Amnistie Internationale, plusieurs groupes de défense des droits humains se sont penchés sur la question de la sécurité des femmes autochtones au Canada.

En août 2013, des représentants de la Commission interaméricaine des droits de l’homme se sont rendus en Colombie-Britannique pour enquêter sur le sujet. Un mois plus tard, c’est le rapporteur spécial des Nations Unies James Anaya qui ramène la proposition d’une commission d’enquête nationale sur le tapis.

Ottawa a toujours refusé de se prêter à l’exercice, estimant suffisantes les mesures qu’il met en place. Les récents événements entourant la mort de Loretta Saunders n’ont pas semblé émouvoir le gouvernement qui, assailli de questions par l’opposition, s’est contenté de répéter ses condoléances.

Le grassroots s’organise

Plusieurs initiatives visant à documenter les cas de femmes autochtones disparues et assassinées ont vu le jour durant les dernières années. Le dernier chiffre qui fait consensus émane du travail de Maryann Pearce, qui a comptabilisé différents cas dans le cadre de son doctorat en puisant dans des sources publiques. Nous en serions à 824 victimes autochtones.

Pour certains organisateurs de terrain et travailleuses communautaires, ces chiffres constituent le plus petit dénominateur commun. Pearce a d’ailleurs mis en ligne une base de donnée regroupant plus de 3000 cas de femmes disparues ou assassinées au Canada. Pour la majorité des noms, l’origine ethnique de la victime n’a pu être confirmée.

En février 2013, le groupe Anonymous a mis sur pied une carte interactive pour répertorier les victimes. Son contenu est alimenté par les réseaux sociaux, chacun pouvant attirer l’attention du groupe sur une nouvelle dépêche.

Au moment d’écrire ces lignes, des Mohawks de la baie de Quinte à Tyendinaga, en Ontario, attisent un feu de camp en bordure d’une autoroute pour attirer l’attention sur la question des femmes autochtones disparues. Ses participant-es décrivent l’évènement comme étant le début d’une série d’actions directes visant à forcer la tenue d’une commission d’enquête nationale.


Arij Riahi se trouve sur @arijactually
Crédit photo : Arij Riahi

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