Rejoint il y a quelques jours à Colombo, la capitale du Sri Lanka, Prasanna Vithanage était visiblement plus qu’heureux que l’on s’intéresse à lui et à son travail, avant même son arrivée à Montréal. D’emblée, il tient à exprimer son bonheur de participer à un festival comme celui de Montréal, qui porte une attention particulière, selon lui, au cinéma étranger : « Je suis très excité d’y présenter mon film. »
On s’en doute, si Soleil d’août est le cinquième film du cinéaste, âgé de 41 ans, aucun de ses autres films n’a déjà été projeté sur nos écrans, même s’ils ont remporté plusieurs prix, au Sri Lanka comme à l’étranger. En fait, ils ne sont nulle part distribués en Amérique du Nord. Son avant-dernier film, Death on a Full Moon Day, a pourtant gagné le prix du meilleur film au Festival international du film d’Amiens en France en 1997, alors qu’il avait été interdit par le gouvernement sri lankais, sous prétexte que cette œuvre allait porter un coup au moral des troupes. Le film, de fait, dresse le portrait de l’armée sri lankaise au front. Une armée composée de jeunes gens affamés, réduite à n’être que de la chair à canon.
Au bout du sous-continent
Le Sri Lanka est un petit pays perdu au bout du sous-continent, entouré de l’océan Indien. Un petit pays d’à peine plus de 18 millions d’habitants, déchiré par une guerre civile qui perdure depuis plus de 20 ans, surtout marquée par le mouvement séparatiste tamoul. Comme dans plusieurs autres pays en développement, petits et pauvres, ce genre de tensions intercommunales crée un climat suspicieux au sein de la classe politique qui, construite dans ce cas sur le modèle de la république démocratique et menant pour l’heure un projet de fédéralisation, n’en demeure pas moins encline à la répression.
Voilà, semble-t-il, la trame de fond de tous les films de Prasanna Vithanage, qui dit faire des oeuvres « qui mettent en scène des individus qui se battent contre le système ». Des films à l’image même du cinéaste, selon toutes vraisemblances. Ce n’est certes pas facile de critiquer ouvertement et franchement la société et le gouvernement sri lankais. C’est sans doute encore plus difficile caméra au poing. À cette difficulté, il faut ajouter la quasi-inexistence du financement et du soutien, ne serait-ce que logistique, de l’État.
Pourtant, lorsque l’on évoque ces contraintes, le réalisateur n’en fait pas un cas outre mesure. « Oui, bien sûr que ce n’est pas facile de faire du cinéma dans un pays ravagé par la guerre civile. Mais quand je lis sur les réalisateurs d’autres pays où le contexte est tout aussi difficile, je me dis que ce n’est pas pire qu’ailleurs. »
Une lueur d’espoir
N’empêche, selon le Asian Film Centre, l’état général du cinéma sri lankais ne laisse pas entrevoir beaucoup d’espoir. L’industrie cinématographique subit de sévères compressions qui, combinées à l’instabilité politique, bloque l’émergence d’un cinéma dynamique et créatif. De sorte que Prasanna Vithanage y est décrit comme la seule lueur d’espoir, et comme un réalisateur innovateur et totalement dévoué au cinéma.
Pour le réalisateur sri lankais, qui affirme que « les dynamiques de société sont ce qui l’intéresse le plus », ses films sont un moyen de penser la société, ce qui fonctionne et ne fonctionne pas.
Ira Madiyama (Soleil d’août), présentement en compétition officielle au FFM, est inspiré d’événements réels, où conflits ethniques et renforcement des combats entre les forces armées sri lankaises et la guérilla séparatiste des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) se conjuguent.
Trois intrigues prennent ainsi place en parallèle, se déroulant dans trois régions différentes du pays. Trois histoires de gens ordinaires pris malgré eux dans les affres d’une guerre civile dévastatrice. Une tragédie humaine, nous dit le synopsis. Une inévitable et lamentable crise entre les communautés cingalaise, tamoule et musulmane, les trois principaux groupes ethniques du Sri Lanka.
France-Isabelle Langlois, rédactrice, journal Alternatives